Interview : Jeenarain Soobagrah (Président du Mauritius Turf Club)

Jeenarain Soobagrah le président du MTC, que Le Matinal a rencontré lundi, explique les mesures probables envisagées par le MTC. 

>Comment accueillez-vous la décision de la GRA d'accorder 35 journées de courses ?

Avec satisfaction vu qu'on a eu l'autorisation pour débuter la saison 2015. Mais en même temps, je suis triste parce que notre demande était basée sur 38 journées excluant le week-end international. Quand on fait une demande pour un certain nombre de courses, on prend en considération plusieurs facteurs. On aura à retravailler le budget concernant les subsides accordés aux écuries de même que le 'stakesmoney'. Au niveau de l'emploi, si on n'a pas suffisamment de revenus, il y aura probablement une réduction du personnel du MTC. C'est aussi simple que ça. Le nombre de journées de courses est équivalent aux revenus, aux subsides et au 'stakesmoney'. Tout s'enchaîne.

>Pour vous donc ce sera une autre année de 'cut cost' ?

Oui. On a d'ailleurs débuté avec la réduction du personnel le mois dernier. Une trentaine de personnes ont été concernées. C'est soit des 'casuals' qui n'ont pas été confirmés ou les dernières recrues auxquelles on a été contraint de nous séparer.

>Jusqu'où comptez-vous aller avec la réduction du personnel ?

Je ne pourrais pas tout de suite vous répondre. C'est un exercice à faire pour calculer le manque à gagner de ces cinq journées manquantes.

>Quelles sont les implications financières de ces cinq journées manquantes ?

Nous avons un budget de Rs 350M. L'année dernière, nous avions 43 journées de courses. Ce qui nous fait grosso modo et en moyenne Rs 8 à 10M de revenus générés par journée. Ceci inclut les sponsors, les cartes d'accès et tout ce que le MTC perçoit par journée de course. Ce qui nous fait en gros, près de Rs 40M de manque à gagner.

>Y a-t-il d'autres conditions attachées à l'autorisation de ces 35 journées ?

A ce jour, on ne connaît rien. Il n'y a rien d'officiel par écrit. Tout ce que je peux vous dire est que hier après-midi (NdlR - dimanche) on a eu verbalement l'autorisation d'organiser 35 journées. Nous allons certainement recevoir le courrier officiel dans ce sens aujourd'hui (NdlR - lundi) et ce ne sera qu'à partir de là qu'on connaîtra les conditions attachées à cette autorisation de la GRA.

>Cela ne vous étonne pas que la GRA vous donne son autorisation avant même que le rapport de la Commission soit rendu public ?

Je trouve que c'est normal, qu'indépendamment du rapport, on a eu l'autorisation pour débuter la saison. Il nous faudra peut-être apporter des ajustements et des décisions à prendre quand la GRA va nous préciser ses intentions.

>Peut-on avancer que la saison 2015 va définitivement démarrer le 29 courant ?

Non, aucune décision n'a encore été prise. N'oublions pas qu'il y a du retard dans l'entraînement des chevaux. En fait, il y a plusieurs incertitudes, dont celle concernant la Commission d'enquête et du mauvais temps avec la pluie qu'on a eue à Port-Louis ces derniers temps. Plusieurs facteurs devront être pris en compte pour lancer la saison. La date du 22 est trop proche. Le 28 mars peut-être, mais on devra aussi retenir la date du 4 avril comme autre probabilité.

>Devra-t-on retenir l'éventualité d'organiser des courses le dimanche ?

On a entendu dire que la GRA ne va pas nous donner l'autorisation d'organiser des courses les dimanches. On aura le 'Board' qui va siéger' demain (NdlR - aujourd'hui). A ce moment là, on aura tous les éléments en main pour décider de la matche à suivre.

>Y a-t-il une raison particulière à cela ?

Comme je vous l'ai dit, on n'a rien eu par écrit valeur du jour.

>Il y a-t-il une décision prise par rapport au nombre d'écuries qui seront en action cette saison ?

C'est un autre sujet qui va être débattu avec la réduction du nombre de courses. Il faut comprendre que les subsides sont distribués par écurie. Ce qui fait que plus on a d'écuries, plus le montant des subsides augmente. Il faudra s'asseoir et débattre si on peut conserver le même nombre d'écuries ou pas. C'est clair que nos discussions vont aller dans cette direction. Mais je peux dire qu'avec la réduction du nombre de journée, c'est un facteur à prendre en considération.

>Quelles sont les écuries qui peuvent éventuellement être menacées, si réduction des licences il y a ?

Je ne peux répondre à cette question avant la réunion du 'Board' de mardi. Il faudra prendre en compte qu'une écurie n'a pas d'entraîneur, notamment celle de Foo Kune. Les licences sont renouvelées en mars et nous attendons voir. C'est aussi un sujet à étudier.

>Quelles seront vos priorités cette saison ?

La Commission d'enquête a vraiment bouleversé la situation. Comme je l'ai dit, je ne discute pas la légitimité de la Commission d'enquête, qui est intervenue. C'est un fait. Il y aura un rapport et probablement en se basant sur le rapport, le Gouvernement peut nous imposer certaines conditions. On ne va certainement pas attendre la publication du rapport pour débuter la saison. Mais quand le rapport va sortir, on aura à ajuster le tir. Pour répondre à votre question, je dirais que ma priorité c'est de redonner confiance au public et cela à travers le média. Je pense que dans le passé, justement ou injustement on a subi des critiques. C'est d'ailleurs dans cette optique que nous allons rencontrer les médias bientôt. Le Gouvernement, la police des Jeux et la GRA doivent jouer le jeu pour justement redonner confiance à tous les partenaires des courses mauriciennes.

>Justement comment accueillez-vous la mise en place d'une Commission d'enquête sur les courses hippiques ?

C'est une décision que le MTC ne peut contester. Déjà, je peux affirmer que ce n'était pas une priorité pour l'île Maurice d'avoir une Commission d'enquête sur les courses hippiques. Mais si le Gouvernement a décidé de s'intéresser à l'industrie hippique, cette commission peut être une bonne chose. Mais si la commission d'enquête est présentée comme une mesure punitive ou de règlement de compte, expliquez-moi comment cette industrie, qui fait vivre des milliers de famille d'une façon permanente et d'autres d'une façon temporaire, va pouvoir se développer et être assainie. Est-ce que les institutions gouvernementales ne devraient pas suivre tout ce qui se passe. Il y a des institutions qui auraient pu agir mais il y a eu un laisser-aller sur tous les bords. Ce n'est pas la faute du MTC si la Police des Jeux n'agit pas. Je suis cependant nullement inquiet par rapport à ce que contienne cette commission d'enquête mais je peux assurer que si nous avons à faire amende honorable nous allons le faire sans hésiter. On a donné un ''purely political colour'' à cette enquête mais j'espère que ce n'est pas une décision punitive contre le MTC. Je vous dis franchement que nous avons demandé une rencontre avec le Premier ministre. Le plus tôt sera le mieux concernant une rencontre entre les représentants du Gouvernement et ceux du MTC.

>Selon vous, de quoi souffrent nos courses ?

Dans ma tête c'est clair. C'est le jeu à crédit. C'est un gros souci qui affecte les revenus du Club et du Gouvernement. On m'a affirmé que 50% du chiffre officiel est à crédit. On n'a cependant pas de preuve. Soyons francs. Qui sont ceux qui jouent à crédit ? Si ces derniers reçoivent ce message, ils doivent savoir qu'ils sont en train de tuer l'industrie. Les chiffres officiels font état que le " betting " diminue année après année. Est-ce parce que les turfistes vont vers le crédit, c'est-à-dire le pari illégal ? On ne dit que certains bookmakers possèdent plusieurs branches dans un même bureau. Je n'ai pas vérifié, mais je pense que la police des Jeux et la GRA doivent être plus présents au Champ de Mars pour justement vérifier ce qui m'a été rapporté. Le MTC ne peut nous substituer à la police et entrer dans les bureaux d'un bookmaker. Nous sommes les premiers à admettre qu'il faut mettre de l'ordre, mais c'est un aspect à prendre en considération.

>Votre avis sur la perception des courses truquées et arrangées !

Nous voulons nous tourner vers l'avenir. Cette année-ci, la première décision du 'Board' a été de revoir la composition du 'Board' des Stewards'. Après la décision de Tanvir Adamjee de ne plus faire partie du 'Board', nous avons, sur proposition du 'Chief Stipe' Stéphane de Chalain, nommé Alain Rousset, qui a, du reste, fait ses preuves dans le passé.

>La décision en elle-même peut laisser entendre que quelque part, quelque chose ne fonctionne pas !

Je dirais que quand on prend une décision, on pense que c'est la bonne. Par la suite, quand les choses se passent mal, la décision d'origine n'est pas nécessairement une mauvaise. Le recrutement de Ian Patterson par exemple. Au début c'était une très bonne décision vu que cette personne possède une belle carte de visite et il est un 'Chief Stipe' de réputation internationale. Mais il y a certaines situations et une campagne systématique de dénigrement contre lui. On peut dire que toute décision est bonne dépendant des circonstances et des situations.

>Quelles sont les démarches enclenchées par le Club afin que le 'commingling' avec l'étranger soit une réalité ?

Le 'commingling' avec l'étranger est toujours en suspens. Nous avons fait la demande depuis deux ans mais cela dépend du Gouvernement. La dernière fois que nous avons approché le ministre des Finances, c'était l'année dernière. Lui, il pense qu'on doit avoir une nouvelle licence pour le 'commingling'. Et le Gouvernement avait décidé de ne pas accorder de nouvelle licence. Alors, c'est un peu dans le camp du Gouvernement.

>Comment expliquez-vous la faible assistance au Champ de Mars ?

Aujourd'hui, avec les immenses progrès de la communication, les loisirs des Mauriciens ont été constamment modifiés. Les habitudes des gens ont changé par rapport à l'évolution de la technologie, ce qui fait que leurs priorités se sont également développées. Aujourd'hui, si j'avais 18 ou 20 ans, pourquoi devrai-je venir au Champ de Mars ? Un turfiste peut miser sur les courses hippiques à travers son portable peu importe l'endroit où il se trouve. Il y a aussi les différents 'outlets' à travers l'île, ce qui rend la tâche du turfiste plus facile dans la mesure qu'il n'a pas à se déplacer au Champ de Mars pour parier.

La télévision joue aussi un rôle très important. A travers les nombreuses émissions sur les courses hippiques, le turfiste peut rester chez lui et regarder les courses à travers la télé tout en ayant toutes les informations qu'il veut avoir.

>Est-ce que vous êtes pour la construction d'un nouvel hippodrome ?

Je dirai oui à plusieurs conditions. J'aurais souhaité qu'on puisse arriver à remplir ces conditions. Il faut trouver 150 arpents de terrain avec la mise en place de nouvelles infrastructures. Déjà maintenant nous avons un budget de Rs 350M, dont pratiquement la moitié qui ira aux écuries.

>On constate qu'il n'y aura que huit courses au programme de chaque réunion alors que neuf épreuves avaient souvent été organisées en 2014. Comment expliquez-vous cette décision ?

La décision d'organiser neuf courses lors de certaines journées en 2014, c'était pour pouvoir améliorer les revenus du Club. Mais cette course supplémentaire ne nous a pas apporté ce qu'on attendait. Nous avons ainsi préféré de ne pas renouveler cette expérience.

>Qu'en est-il de la réduction du nombre des épreuves de 1000m cette saison ?

Lors d'une réunion entre le Management du MTC et les entraîneurs en février, il a été annoncé que des 'fixtures' provisoires pour les 13 premières journées ont été établis. En 2014, il y avait 15 courses de 1000m lors des premières 13 journées, et cette année-ci, nous n'avons reprogrammé que huit épreuves de 1000m. Donc une réduction parce que nous pensons que les courses réservées au 1000m n'est pas un plus pour l'industrie sur le plan commercial, pour l'intérêt des courses elles-mêmes ou concernant ses revenus.

>Quel est votre souhait pour cette saison 2015 ?

Je compte beaucoup sur la presse pour aider le MTC dans sa démarche à redonner confiance au public. Dans les courses, il y a le côté sport et celui du 'betting'. Les courses de chevaux sont le loisir le plus populaire chez les Mauriciens. Je souhaite vivement revoir plus de personnes venir au Champ de Mars et s'intéresser davantage aux courses hippiques.