Séduits par le coût fort abordable des études de médecine «de haut niveau» (Rs 350 000 par an – cours, hébergement, argent de poche inclus, NdlR), les 16 étudiants mauriciens, âgés entre 20 et 28 ans, vivent depuis deux mois au coeur d’un pays en crise. Installés à Simferopol, Donetsk, Lugansk et pour la plupart à Kharkhiv, ils disent espérer le mieux pour l’Ukraine, leur pays adoptif, le temps de leurs cours.
Alii Bhurtun, 23 ans, étudiant en troisième année de médecine à Kharkov, raconte que la tension est palpable à travers le pays depuis la révolution du Maïdan. La ville où ce jeune Mauricien originaire de Vallée-des-Prêtres étudie à la National Medical University, a été témoin d’émeutes et de mouvements de protestation entre les protestataires et la police. Au total, sept étudiants mauriciens y vivent.
«C’est vraiment dangereux de s’aventurer dehors. Presque chaque soir, des groupes de protestataires envahissent la place de la Liberté, qui est à trois minutes de notre appartement. Nous craignons pour notre sécurité car nous savons qu’une guerre est imminente», raconte Alii Bhurtun.
Début mars, alors que l’Ukraine était en pleine crise, celui-ci a pu prendre contact avec le deuxième secrétaire de l’ambassade de Maurice à Moscou. «Il m’a demandé de lui dresser une liste d’étudiants mauriciens ici et de l’informer de la situation. Facebooknous a permis de regrouper les 16 étudiants mauriciens sous le pseudonyme Mauritians in Ukraine pour les premiers échanges d’informations», souligne le porte-parole de ce groupe.
Depuis la semaine dernière, la donne a changé. Indira Sidaya, l’ambassadrice mauricienne à Moscou, avec qui il a pu établir le contact, prend de leurs nouvelles tous les jours. «Les choses ont beaucoup progressé depuis. Elle nous encadre bien, elle fait le suivi avec le ministère des Affaires étrangères à Maurice et elle nous a donné la garantie que Maurice suit la situation de très près, en cas de besoin de rapatriement», déclareAlii Bhurtun, qui dénonçaitun manque de considérationdes autorités mauriciennes dans un premier temps.
Jusque-là, les scènes du1er mars en Ukraine, ShaziaAbdool Ryman Goulamghoss,23 ans, ne les a vues qu’à la télé. Cette jeune mariée, qui terminera ses cinq années d’études à Kharkhiv en juin de l’année prochaine, dit être à jamais marquée par les scènes de conflits entre les groupes pro-russes et pro-européens dans le centre-ville de Kharkhiv.
«La peur est montée d’un cran quand les troupes russes ont envahi la Crimée car Kharkhiv est aussi une ville pro-russe, où d’ailleurs on parle russe à la base, confie ShaziaAbdool Ryman Goulamghoss.Nous suivons de près la situation à travers les vidéos diffusées instantanément sur Youtube. Le pire, c’est d’être dans un pays en crise et ne pas comprendre ce qui se passe réellement car nous arrivons à peine à suivre les infos locales qui sont diffusées en russe et en ukrainien.»
La région où elle se trouve est pro-Victor Yanukovitch. Toutefois, au contraire de la Crimée, la population de Kharkhiv n’a pas demandé à intégrer la Russie, bien qu’elle ne soutienne pas le nouveau gouvernement.
Jusqu’à la semaine dernière, la famille de Shazia Abdool Ryman Goulamghoss à Maurice, l’appelait jusqu’à deux fois par jour pour prendre de ses nouvelles. «Mon frère, ma mère, mon époux, et mon beau-père m’ont beaucoup encouragée. Ils m’ont redonné du courage», dit-elle.
En outre, poursuit Shazia Abdool Ryman Goulamghoss, d’autres effets directs de la crise se font déjà sentir. Du jour au lendemain, les prix ont pris l’ascenseur. L’hryvnia ukrainienne dit grivna, la monnaie locale, s’est beaucoup dépréciée. «Cela nous touche, nous les étudiants étrangers. Jusqu’à la fin de janvier, notre loyer était à Rs 14 400. Là, il est passé à Rs 18 000»,soutient l’aspirant médecin.
Par-dessus tout, Alii Bhurtun se désole de l’absence d’un officiel mauricien en Ukraine. «Nous devons absolument passer par l’ambassade à Moscou. Nous n’avons aucune assistance permanente en cas de panique ici. Je lance un appel aux autorités mauriciennes pour qu’il y ait au moins un représentant officiel ici en Ukraine», confie l’étudiant.
Ce qui a le plus irrité le jeune Mauricien jusqu’ici, c’est lorsqu’ils ont appris au début de la crise que leur rapatriement, si besoin est, se fera en même temps que celui des Indiens et des Britanniques. «Pourquoi devons-nous attendre le départ de 8 000 Indiens et dépendre des autres gouvernements alors que nos parents sont des contribuables mauriciens ? Noscamarades de classe, qui sont des Irakiens et des Nigériens, entre autres nationalités, ont le soutien nécessaire ici, pourquoi pas nous ?» s’interroge Alii Bhurtun.