Peroomal Veeren under high protection when he arrives on Thursday at the commercial court
Paul Lam Shang Leen : Vous avez souhaité vous expliquer devant la Commission. Sur quel sujet voulez-vous parler ? Vous avez été condamné en 2010 à une peine de 34 ans de prison. Votre appel avait été rejeté en 2012. Puis le 18 novembre 2016, vous avez écrit à la Commission de pourvoi en grâce. Maintenant il vous reste 16 ans à purger. Vous avez souhaité parler du financement politique ?
Peroomal Veeren : (À l’aise et calme) Je souhaite d’abord faire un historique sur moi. Je n’étais pas un trafiquant. Je travaillais comme agent de sécurité pour la compagnie Caudan Security. Puis en 2002, j’ai eu mes premiers démêlés avec la justice quand l’Anti Drug & Smuggling Unit (Adsu) m’avait arrêté. J’étais innocent, je n’avais rien fait. Il n’y a pas de transparence quand l’Adsu enquête. Peu importe le nombre d’avocats que vous avez, il n’y a pas de transparence. Ils mènent l’enquête comme des perroquets. Ils envoient beaucoup de gens en prison. Moi, c’est en prison que je suis devenu trafiquant. Zot fer mwa vinn akter dan fim kan mo pa fer fim la. Zot fer ou dir seki ou pann dir.
En 2002, l’inspecteur Tuyau et son équipe m’ont arrêté avec 4,38 milligrammes mais lors de ma comparution en Cour les 4,38 milligrammes sont devenus 4,38 grammes. Kes pran la kour, monn kondane lor gram. Le rapport du FSL a subitement disparu. Beeharry du FSL a affirmé qu’il avait soumis le rapport. Puis le 3 juin 2013, la brigade anti-drogue m’avait arrêté. Misier Appadu ki ti an sarz controlled delivery. Un des motards qui m’avait interpellé appelle son supérieur en disant : « Major, major, nou gayn li !» Il n’y a eu aucune transparence dans cette enquête. Je suis innocent. Je n’étais pas un trafiquant. Ma sœur et mon beau-frère étaient policier et ma deuxième sœur était enseignante. La prison est une université. Zot fer inosan vinn trafikan.
PLSL : Monsieur Veeren, je vous ai laissé parler. Vous avez eu l’occasion pour faire votre appel. Vous êtes ici pour parler du trafic de drogue et comment le réseau opère à Maurice.
PLSL : (Écoutant attentivement) Si vous souhaitez vous mettre debout, vous le pouvez ou sinon vous pouvez rester assis.
PLSL : (D’un ton sérieux) Est-ce vous qui avez financé cela ?
PLSL : Mahen Gowressoo! C’est vous qui l’avez financé ?
PLSL : Et l’argent à Saint Pierre ?
PLSL : Vous avez financé la campagne en 2014 mais comment ? Vous étiez en prison.
PLSL : Ils font partie de votre réseau.
PLSL : Ce sont eux qui ramassent votre argent ?
PLSL : Qui d’autres encore ? Combien avez-vous financé en 2014 ?
PLSL : Vous avez financé un seul parti politique ?
PLSL : Qui est dans votre réseau encore. Vous êtes cité dans les journaux comme le boss, le parrain des parrains.
PLSL : Combien de réseaux y-a-t-il ? De gangs ?
PLSL : Kouma dir ou pa sir…
PLSL : Ok. Qui est dans le réseau de Siddick Islam ?
PLSL : (D’un ton ferme) Comment vous ne savez pas ? Ce n’est pas ce réseau qui contrôle Plaine Verte et votre réseau opère ailleurs ?
PLSL : Dans les 157 kilos saisis, quelle est votre part ?
PLSL : Qui a financé alors ?
PLSL : Qui sont ceux qui la retire ?
PLSL : C’est lui qui a balancé votre nom. Quel est votre relation avec lui ?
PLSL : Mais Navind Kistnah a balancé votre nom dans cette affaire.
PLSL : Mais n’étiez-vous pas en communication avec Navind Kistnah ?
PLSL : Navind Kistnah est-il dans votre réseau?
PLSL : Mohamed Imteeaz Baccus?
PLSL : Rassoul ?
PLSL : Dinesh Dookhit ?
PLSL : Ivan Sadian ?
PLSL : Votre femme? Zafirah ?
PLSL : C’est elle qui paie les honoraires de vos avocats ? Combien de Rs 10 000 à Rs 100 000 ?
PLSL : J’ai lu votre carnet. Vous écrivez bien l’anglais.
PLSL : Qui est celui qui gère votre argent maintenant ? Qui est ce Blacka ?
PLSL : (Agacé) C’est trop facile ! Savez-vous combien de garçons il y a à Rose-Hill. Dans votre carnet, il y a beaucoup de noms de code. Blacka est votre homme de confiance ?
PLSL : Il vous avait envoyé des messages. Qui est cette personne ?
PLSL : C’est trop facile pour balancer cela.
PLSL : La carte SIM est enregistrée à un autre nom. Combien de téléphones a-t-on saisi sur vous en prison ?
PLSL : Depuis 2012 vos téléphones ont été saisis. Qui les garde pour vous ? Vos bras droits ?
PLSL : (Agacé) Écoutez, je ne discuterai pas avec vous sur ce sujet, ok !
PLSL : D’accord. Mais qui est ce Blacka ? En 2015, il vous avait envoyé un message sur votre téléphone pour vous dire qu’il a votre argent en sa possession, soit Rs 373 000.
PLSL : Qui est Yves ?
PLSL : Blacka vous avait dit qu’Yves lui avait remis Rs 445 000.
PLSL : Qui est le Pape ? Lui, il a remis Rs 200 000 à Blacka pour vous.
PLSL : Et Boulon ? Il y a Boulon numéro 1 et Boulon numéro 2 ? Boulon No. 1 a remis Rs 60 000 à Blacka. Puis Big Kit a donné Rs 100 000.
PLSL : Mais Blacka vous avait envoyé un message à la prison pour vous informer des transactions. Au total, il a eu une somme de Rs 1,8 million qu’il a ramassée pour vous. Il vous a même dit qu’il fallait retirer de l’argent pour payer des avocats, dont Rs 40 000.
PLSL : Qui est Rocket ? Lui, il a Rs 4 millions, Rs 27 millions en dollars et Rs 14 millions en euros. C’est pour vous cet argent ?
PLSL : Vous étiez aussi en communication avec une Sud Africaine, une dénommé Roux. Elle vous avait demandé si elle peut vendre de la drogue à Cape Town.
PLSL : C’est ce qui a été écrit dans votre carnet. (Il lui montre une page A4 concernant les notes du carnet). Vous avez noté son nom, son adresse et son compte bancaire.
PLSL : Des messages bien intimes ont été échangés. Vous n’avez pas pu avoir qu’une seule femme. (Rires dans la salle d’audience). Et Madame Jeeva, racontez-nous.
PLSL : Et vous avez payé les honoraires de son avocat ?
PLSL : Elle nous a dit qu’elle s’était rendue en Afrique du Sud sur vos instructions. Puis vous lui avez demandé de ne pas ramener une paire de chaussures. Pourquoi ? Y avait-il de la drogue à l’intérieur ? Vous avez dénoncé un petit passeur …
PLSL : Qui est Anil Kumar Mohabeer ? Est-ce votre Money Changer ? Vous avez échangé votre argent avec lui, n’est-ce pas ?
PLSL : Racontez-nous votre rôle à la prison. Nous avons entendu dire que vous êtes le patron. Certains apportent même votre serviette, d’autres goûtent votre repas. Cela a été rapporté dans la presse. Les journalistes sont présents. Vous avez l’occasion de vous exprimer.
PLSL : Comment la drogue circule-t-elle en prison ? Qui sont ceux qui l’amènent à l’intérieur ?
PLSL : Et les téléphones ?
PLSL : Qui sont ces personnes ? Citez nous des noms ?
Si d’emblée Peroomal Veeren a parlé d’un réseau Bangladais qui opère à Maurice, c’est le nombre d’appels effectués depuis la prison vers l’étranger qui a été plus choquant. Sam Lauthan, l’un des assesseurs, a révélé que le trafiquant a échangé des appels vers l’Allemagne à 57 reprises, 854 appels vers l’Afrique du Sud, 103 appels vers la Tanzanie mais il y a aussi des appels vers le Mozambique, la Namibie, la Bulgarie, la Thaïlande, l’Inde, le Kenya, entre autres.
Qu’en est-il de sa fortune ? Paul Lam Shang Leen lui a demandé le montant de sa fortune en argent. L’ex-juge cite même une somme de Rs 450 millions et un compte bancaire à Abu Dhabi. Peroomal Veeren a répondu ceci avec un sourire : « Possible ». Mais au fil des discussions, les chiffres changent.
Le président de la Commission évoque trois comptes mais le caïd estime sa fortune à environ Rs 650 millions. Paul Lam Shang Leen a buté sur des refus à ses requêtes pour obtenir des pistes. « Pourquoi devrai-je vous dire sur quel nom est mon argent ? » lâche-t-il avec le sourire, avant de conclure : « Vous avez la FIU et l’ICAC. Ils ont des équipements nécessaires. À eux de fouiller. »
Paul Lam Shang Leen : « Mo impe desi »
« Mo impe dési. Mo ti krwar ou pou donne plis esplikasyon ». C’est en ces termes que le président de la Commission, Paul Lam Shang Leen, s’est adressé à Peroomal Veeren, à la fin de l’audition. L’ancien juge n’a pas caché sa déception, après que Peroomal Veeren a évité les questions des membres de la commission, ou encore après avoir fourni des réponses qui, semble-t-il, n’ont pas convaincu les membres de la commission.
Portant son traditionnel t-shirt jaune et son jean bleu à chaque fois qu’il comparaît devant la cour, Peroomal Veeren a suscité la curiosité de tout le monde. Menotté, il portait un gilet pare-balles et un casque de protection. Ayant pris place à l’intérieur de la salle d’audience, le caïd observait l’interieur minutieusement avant de regarder ceux qui étaient présents. À quelques minutes du début de la séance, il a demandé qu’on lui enlève ses menottes. Mais sa demande pour retirer son gilet pare balles a été vaine.
Prenant la parole dès le début, il étale sa connaissance de la langue de Shakespeare en prêtant serment. D’ailleurs, le président de la Commission d’enquête Paul Lam Shang Leen lui a fait des éloges. « J’ai eu l’occasion de lire votre carnet. Vous écrivez bien l’anglais. » Le trafiquant a donné à la Commission une liste de numéros de téléphone à décrypter. Il a balancé les noms de deux gardiens de prisons. Calme jusqu’à la fin, le parrain des parrains a souligné qu’il est souvent souffrant.