Gooljaury-Soornack-Ramgoolam: le Trio Infernal

9 years, 3 months ago - January 19, 2015
Archive photo: Rakesh Gooljaury and Navin Ramgoolam

Archive photo: Rakesh Gooljaury and Navin Ramgoolam

Navin Ramgoolam aime le répéter : quand il est affairé avec ses ennemis, il incombe à son entourage de s’occuper de ses amis...

À force de vouloir être un fin stratège sur la scène politique, l’ex-Premier ministre ne s’est pas rendu compte qu’un grand danger le guettait dans son cercle intime. Dimanche, celui qui a été son «meilleur» ami durant les neuf dernières années où il a régné en maître absolu à l’hôtel du gouvernement l’a «poignardé» dans le dos.

Le fondateur de la société Fashion Style s’est «volontairement» présenté au Central Criminal Investigation Department (CCID) pour consigner une déposition contre son bienfaiteur. Il était accompagné de l’avocat Sanjeev Teeluckdharry, accessoirement député du Mouvement socialiste militant (MSM) et l’un des trois adversaires de Navin Ramgoolam dans la circonscription n° 5 aux dernières élections législatives, pour cet exercice de haute voltige. Rakesh Gooljaury y a déclaré que le leader du Parti travailliste (PTr) lui a donné des instructions, en présence de deux hauts gradés de la police, pour consigner une fausse déposition sur le cambriolage commis à son campement, à Roches-Noires, dans la nuit du samedi 2 au dimanche 3 juillet 2011.

Le retournement de veste de Rakesh Gooljaury n’avait, en fait, rien de surprenant. Il a longtemps été très proche de certains dirigeants du MSM, à l’instar du ministre des Infrastructures publiques Nando Bodha. Lors de la dernière campagne électorale, les services de renseignements ont même informé l’ex-Premier ministre que celui-ci aurait financé la campagne d’un de ses illustres amis du parti soleil. Au Sun Trust, il n’était un secret pour personne que l’homme d’affaires de Saint-Pierre allait «virer» après que Navin Ramgoolam s’est fait laminer à l’issue du scrutin du mercredi 10 décembre.

Un obstacle

En fait, il y avait déjà des signes qui ne trompaient pas. Rakesh Gooljaury semblait chercher une occasion de prendre ses distances de Navin Ramgoolam. Depuis l’épisode du dimanche 3 juillet 2011, l’habitant de Saint-Pierre vivrait mal le fait d’être perçu comme le «larbin» de l’ex-Premier ministre. Il avait déjà été décrit comme le «gardien» du campement de Roches-Noires d’après un premier article sur ce vol publié sur lexpress.mu quelques jours après le cambriolage. Nandanee Soornack, de son côté, menait carrément campagne contre lui auprès de l’ex-chef du gouvernement.

La femme d’affaires considérait que Rakesh Gooljaury était un obstacle entre elle et le leader travailliste avec lequel elle s’était rapprochée depuis son divorce avec Sanjiv Oogarah, un receveur de la Compagnie nationale de transport de Carreau-Laliane. Quand Nandanee Soornack a demandé à Navin Ramgoolam de trancher dans le litige l’opposant à Rakesh Gooljaury pour une banale bisbille, le leader des rouges s’est rangé de son côté. Le patron de Fashion Style, toujours très replié sur lui-même, digérait l’affront sans coup férir.

Il n’est plus un secret que c’est Rakesh Gooljaury qui a lancé Nandanee Soornack, dont les seules connaissances en affaires se résumaient à vendre des condiments et des légumes à Carreau-Laliane, dans le monde du business. Airway Coffee, c’est son bébé. C’est lui qui a créé la société, négocié avec Airports of Mauritius Ltd (AML) pour obtenir le contrat de service traiteur à Plaisance et obtenu des prêts de plusieurs dizaines de millions de roupies auprès de deux banques commerciales afin qu’Airway Coffee puisse opérer.

Elle lui mène la vie dure

Le jeudi 3 janvier 2013, le leader du MSM Pravind Jugnauth est arrêté par le CCID dans l’affaire MITD. Il en profite pour donner des détails sur la nature des relations entre le Premier ministre et Nandanee Soornack pour expliquer qu’il l’aurait favorisé dans l’allocation de contrats à l’aéroport. La police n’allait aucunement se pencher sur cet aspect de cette déposition. Cependant, Nandanee Soornack estime que la presse indépendante du dimanche va en faire les choux gras.

Elle décide alors, le samedi 5 janvier 2013, de se tourner vers la Cour suprême pour réclamer un ordre afin que l’express et les journaux du groupe Le Mauricien n’évoquent pas les détails touchant à sa vie intime et ses trois enfants, dont la benjamine encore mineure. À l’époque, c’est encore Rakesh Gooljaury qui retient les services de Me Yousuf Mohamed, Senior Counsel (SC), pour la représenter.

L’homme d’affaires l’emmène jusqu’à la résidence de Me Mohamed, à Quatre-Bornes, pour discuter du gagging order contre les deux groupes de presse. C’est lui qui règle les frais de l’avocat et de l’avoué. C’est encore lui qui demande que Nandanee Soornack s’esquive par la petite porte donnant sur le parking des juges afin d’éviter les photographes de presse.

Même s’il s’est montré «indispensable» auprès de Nandanee Soornack et de l’ex-Premier ministre, celle-ci ne se prive pas pour «l’humilier». Elle l’accuse de puiser dans la caisse d’Airway Coffee, entre autres. Encore une fois, Navin Ramgoolam a été obligé de jouer à l’arbitre à la demande de Nandanee Soornack. Rakesh Gooljaury a été évincé d’Airway Coffee sans avoir eu son mot à dire.

Nandanee Soornack mène la vie dure à Rakesh Gooljaury. Elle veut absolument mettre des bâtons dans les roues de son partenaire en affaires. Quand elle apprend qu’il est descendu au Touessrock, elle se met dans tous ses états. Dans sa tête, l’établissement hôtelier cinq étoiles est la propriété du gouvernement. Elle appelle Iqbal Mallam-Hasham, ami de Navin Ramgoolam installé dans le fauteuil de directeur de la State Investment Corporation (SIC), pour le menacer.

Deux dépositions supplémentaires

La femme d’affaires se permet aussi d’apostropher ministres ou hauts gradés de la police. Rares sont ceux qui ne se laissent pas faire. Pour obtenir une rencontre express avec Navin Ramgoolam, certains sont contraints de passer par elle. Si ce n’est pas Rakesh Gooljaury. Nandanee Soornack veut avoir la main haute et aurait tout tenté pour écarter son encombrant partenaire. Quand des photos de la soirée donnée chez elle ont paru dans l’express, Rakesh Gooljaury a ainsi été considéré comme le suspect n° 1.

À un moment donné, la communication ne passait plus entre Navin Ramgoolam et Rakesh Gooljaury. Ce n’est qu’à l’approche des élections que les deux hommes se sont rabibochés. Même si le MMM avait réclamé sa tête lorsqu’une alliance avait été conclue en vue des élections législatives. Tout allait bien dans le meilleur des mondes, jusqu’à ce que Navin Ramgoolam morde la poussière à l’issue du dernier scrutin. Sir Anerood Jugnauth ayant promis de rouvrir l’enquête sur le cambriolage à Roches-Noires, il ne fallait pas être grand devin pour savoir que Rajesh Gooljaury était la clé du mystère...

Dans les milieux travaillistes, l’on croit savoir que des pressions ont été exercées sur l’homme d’affaires pour qu’il se mette à table. Soulager sa conscience après trois ans et demi semble une explication bien trop simpliste. Le fisc lui aurait exigé le paiement d’une certaine somme, ce qui l’aurait contraint à collaborer. Toujours peu bavard, ce n’est pas demain la veille que Rakesh Gooljaury livrera des secrets sur sa relation avec le tandem Ramgoolam-Soornack.

À son retour au pays cette semaine, il devra se rendre de nouveau au CCID où il consignera deux dépositions supplémentaires sur l’affaire Roches-Noires. Au PTr, on se demande comment il peut jouir d’une telle liberté de mouvement alors qu’il a avoué avoir commis un délit, en mentant à la police...

 

Text by lexpress.mu

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