Direction Grand-Bois, à côté de La Flora, dans le tea belt de Maurice. Localité située à l’époque entre l’usine de La Flora et celle de Bois-Chéri. Des seniors, membres d’une coopérative de la région – Amarnath Credit Cooperative and Tea Marketing qui existe depuis 1985 –, nous attendent dans un snack pour parler de «létan lontan».
De ces «lépok mizer» où tout de suite après l’école primaire, ils sont allés «kas dité» avec «mama papa». Dès l’âge de dix à 12 ans, ils ont connu des réveils difficiles, à quatre heures du matin, faire le trajet à pied ou à bicyclette pour aller cueillir des «fey zégwi». Les deux feuilles «tann» avec la tige au milieu. Ils ont aussi subi les grosses pluies qui vous transpercent jusqu’aux os et vous obligent à rester avec des bottes trempées jusqu’à deux heures de l’après-midi. «Zis inondasion dan Porlwi ki kozé, isi pa kozé», ironise l’un d’eux.
Dans les yeux de Deochand Tulsi, Suresh Lokhun, Prem Nankoo, Mohit Ramful et Toolsee Roopun, la colère contre les propriétaires de l’usine est toujours palpable. Ces planteurs racontent la mésaventure qui les a poussés à se regrouper en coopérative. Ils ramenaient leur récolte à l’usine à midi. Ils devaient également faire le tri. À la fin, l’usine leur déclarait «dité pa bon». Dépités, les planteurs racontent qu’ils laissaient alors la récolte sur place. «Lerla aswar, li dir so bann travayer ramas li, li pran tou pou li».
Mais la nostalgie n’est pas le fort de ces gens. C’est le quotidien qui les préoccupe. Car en hiver, il n’y a pas de production de thé. Il faut trouver d’autres moyens pour subvenir à ses besoins. De Grand-Bois, La Flora à Bois-Chéri, «nous sommes tous dans la même situation. Nous demandons une aide au gouvernement pour les quatre à cinq mois, où il n’y a pas de production».
Une subvention, disent-ils, sur le modèle de l’allocation pour mauvais temps doit être considérée. «Il faut protéger le secteur», insiste Suresh Lokhun. «Monn dir zot diversifié, fer enn ti laboutik, fer dalpouri, omwin enn ti zafer», ajoute à son tour Narainduth Mohal, secrétaire de la coopérative.
«Dité pann mor», affirme Prem Nankoo. Des suggestions, voire des revendications, ces petits planteurs en ont à la pelle pour faire fructifier les 40 à 50 perches héritées des gran fami.
Selon eux, le secteur ne pourra revivre que si le prix du thé – acheté au kilo aux planteurs – double de Rs 8,20 à Rs 16. Car il y a un manque à gagner et cela n’encourage pas les jeunes à se lancer dans le secteur, sans compter qu’il faut «al dan karo» aux aurores.
Ils montrent aussi du doigt le fertilisant actuel, «enn li ser», soit Rs 1 200, Rs 1 300 le sac, «mé so randman pa bon ditou. Il faudrait un centre de recherche pour nous conseiller».
Maurice n’a pu entrer en compétition avec les grands producteurs de thé comme l’Inde, le Sri Lanka et le Kenya. Dans ces pays, le thé est cultivé à de plus hautes altitudes. De ce fait, la qualité n’est pas comparable. La production est donc principalement destinée au marché local.
Principe général du Tea Board : l’importation du thé noir n’est autorisée qu’en petite quantité, pour faire des mélanges. Un importateur de thé doit payer un permis de Rs 5 000 par cargaison pour tous types de thé importé, une taxe de 17 % et des droits de douane de 40 %.
1760 – Le thé est introduit à Maurice, par un prêtre français.
1770 – Pierre Poivre en plante à plus grande échelle.
1810 – Le gouverneur Robert Farquhar encourage la culture du thé sur une base commerciale, mais après son départ ses théiers à Réduit sont abandonnés.
1880 – Regain d’intérêt avec sir John Pope Hennessy. Des champs plantés à Nouvelle-France et à Chamarel.
1900 – 190 hectares de terres sous culture de thé.
Seconde Guerre mondiale – 850 hectares de terre sous culture de thé et cinq usines en activité.
1948-9 – Un centre de recherches sur le thé établi à Wooton.
1955 – Lancement du Tea Smallholding Scheme et Project Planters Scheme pour des baux à long terme à des coopératives de petits planteurs.
1960 – Tea Industry Control Ordinance entre en vigueur.
1967 – Vente conjointe privé-public pour créer l’usine de Dubreuil.
1975 – Tea Industry Control Act voté.
1986 – Création de Mauritius Tea Factories Co. Ltd.
1995 – Lancement d’un programme de diversification. Il était prévu que 6 000 arpents de terre sous culture de thé soient remplacés par la canne.