Les derniers en date : ceux de l’ex-directrice du Cardiac Centre de Pamplemousses, Vijaya Sumputh, et du Senior Adviser du ministère des Finances, Gérard Sanspeur, avec Rs 376 000 et presque Rs 500 000 respectivement.
Si ces salaires ont choqué l’opinion publique en raison de l’utilisation des fonds publics, force est de constater que pour les mêmes postes dans le privé, ces chiffres pourraient être multipliés par deux, voire plus. D’où la question: quelle serait la meilleure formule de rémunération pour les hauts cadres du secteur public ? Faudrait-il les rémunérer comme on le ferait dans le privé ?
Interrogé, Megh Pillay dit ne pas être surpris par le montant des salaires susmentionnés. Il connaît bien cette problématique, ayant occupé divers postes à responsabilités dans des organismes publics, parapublics et dans le privé en tant que Chief Executive Officer (CEO) dont à Air Mauritius, à la State Trading Corporation et à l’Agricultural Marketing Board, entre autres.
«Je ne connais pas la directrice concernée (NdlR, Vijaya Sumputh) et ses compétences. Par contre, le Senior Adviser (Gérard Sanspeur) est un grand professionnel que je connais bien. Mais le principe reste le même. Quand on va chercher un professionnel dans le privé pour une mission critique, la rémunération proposée ne peut être inférieure au cours du marché. On peut certainement se sacrifier par motivation politique ou pour ré- pondre à l’appel d’un gouvernement», souligne-t-il.
Il rappelle dans la foulée que les salaires de ministres et fonctionnaires sont plafonnées partout à travers le monde et que la rémunération est bien inférieure à celle des dirigeants du privé, ceux-là évoluant dans un environnement compétitif où la performance est dictée par le profit.
Parlant des cas où des dirigeants du privé ont rejoint le secteur public, Megh Pillay cite celui de Thierry Breton, ancien PDG de France Telecom, qui avait accepté le poste de ministre de l’Économie et des Finances à l’appel de Jacques Chirac, et ce pour dix fois moins que ce qu’il touchait chez France Telecom. Autre cas d’actualité: celui d’Emmanuel Macron, qui quitta Rothschild & Cie Banque, où il touchait 78 000 euros par mois pour 12 000 euros comme secrétaire général adjoint auprès de François Hollande en 2012.
Selon lui, la comparaison des salaires perçus dans le public avec ceux du privé est un «faux débat», la rémunération dans le privé étant décidée par les actionnaires qui prennent les décisions dans leurs intérêts. «Les CEO sont normalement choisis pour leurs capacités personnelles à diriger l’entreprise de manière à répondre aux attentes des actionnaires en termes de résultats».
Quant aux réactions du public à l’annonce des salaires de Gérard Sanspeur et de Vijaya Sumputh, entre autres, Megh Pillay estime qu’elles ne sont pas justifiées mais compréhensibles dans la mesure où les nominations à des fonctions exécutives sont perçues comme n’étant pas basées sur les compétences mais plutôt sur l’appartenance politique.
Dans le cas des entreprises publiques où l’État détient une participation de contrôle, comme à Air Mauritius ou Mauritius Telecom, la rémunération est dictée par l’offre et la demande, explique Megh Pillay. Ce qui est une bonne chose selon lui. Au cas contraire, «Air Mauritius n’aurait plus un seul pilote en poste pour opérer sa flotte et Mauritius Telecom aucun ingénieur ou administrateur digne de ce nom pour opérer son réseau. Et l’économie nationale en paierait un prix suicidaire», avance-t-il.
Autre question: est-il normal qu’un dirigeant d’entreprise siège à plusieurs conseils d’administration comme c’est le cas pour Gérard Sanspeur ? «Dans le secteur privé, les lois et les réglementations régissent mieux les pratiques, ce qui amène beaucoup plus de bonne gouvernance», avance un spécialiste du recrutement. Toutefois, il n’est pas interdit à un CEO ou autre directeur de siéger à plusieurs conseils d’administration et d’être rémunéré pour cela. «Mais il serait logique de limiter sa participation relative par souci de conflit d’intérêts ou simplement par efficience et, bien entendu, chaque organisation est libre de décider de la rémunération.»
«Dans le privé, le salaire d’un CEO dépend de facteurs déterminants tels que ses compétences et qualifications, ses responsabilités et les risques relatifs, la taille de l’entreprise et sa profitabilité. Le salaire mensuel de CEO dans une grande banque commerciale ou une entreprise du Top 100 peut commencer à partir de Rs 500 000 à monter», explique le spécialiste en recrutement. Outre son salaire de base, le dirigeant d’entreprise perçoit plusieurs allocations qui comprennent le transport, la couverture médicale, un plan de pension, des allocations de voyage et parfois des stock options, entre autres. Toutefois, le poste peut aussi comporter des responsabilités à hauts risques, notamment dans le monde bancaire et financier. Il s’agit de risques concernant la réputation, la conformité, la réglementation ou la solvabilité. «Certaines sanctions peuvent être assez lourdes telles que l’emprisonnement, de lourdes amendes, la radiation du secteur s’il est jugé «not fit and proper», mais avoir aussi mauvaise réputation», fait ressortir notre interlocuteur.