Couldip Basanta Lala : “Maurice N’est Pas un Paradis Fiscal”

10 years, 1 month ago - March 21, 2014
“Maurice N’est Pas un Paradis Fiscal”
L’International Financial Services (IFS) fête ses 20 ans cette année.

Opérant dans le Global Business, cette entreprise en a toujours suivi l’évolution et œuvré pour apporter sa contribution aux législations inhérentes à ce secteur. Cela, afin qu’il demeure compétitif et résilient, et que Maurice préserve sa réputation comme une juridiction de substance, saine et transparente. Couldip Basanta Lala, fondateur et directeur d’IFS, parle des efforts à entreprendre pour que Maurice puisse relever les défis qui se profilent à l’horizon. — Propos recueillis par Anisha Madayah.

L’IFS fête cette année ses vingt ans d’existence. Pendant ces deux décennies, vous avez pu voir le développement dans le secteur du Global Business. Quelle lecture en faitevous ?

Effectivement, l’IFS existe maintenant depuis vingt ans et il est vrai que nous avons vécu plusieurs phases de développement. Des changements évolutifs, souvent incités par l’environnement compétitif international et les organisations internationales telles que l’OECD et le FATF. Nous avons débuté avec des compagnies offshore régies par la Companies Act de 1984. Ensuite la “International Company”, qui était couverte par une législation distincte, a été mise en place. Le régime de l’International Company a été aboli en 2001 et toutes les compagnies enregistrées à Maurice ont été soumises au même cadre régulateur, c’est-à-dire, la Companies Act. En même temps, le secteur a changé d’appellation, passant de offshore à Global Business, avec une législation spécifique régissant les services financiers non bancaires. Les fonds d’investissements, qui opéraient simplement sous les normes de bonne pratique, sont maintenant régis par la Securities Act, et plusieurs règlements subsidiaires. Le régulateur qui était le MOBAA est devenu la Financial Services Commission (FSC), avec un élargissement de ses attributions, couvrant tous les services financiers non bancaires, y compris l’assurance.

Le régime fiscal a aussi connu une évolution passant d’un taux flexible de zéro à 15% (au choix du contribuable) à un taux fixe de 15% sur les revenus nets imposables avec un crédit impôt de 80% pour les Global Business Companies Catégorie 1 (GBC1).  Les GBC2, quant à eux, sont exonérés d’impôt mais ne peuvent aspirer à obtenir les bénéfices des traités de non double imposition signés par Maurice.

En ce qui concerne les affaires, hormis des débuts timides, le rythme de la croissance a été incroyable à l’exception de la période 2009 - 2010, dû à la conséquence de la récession économique. Néanmoins, la croissance est aujourd’hui mitigée due à plusieurs facteurs, dont un ralentissement économique international prolongé, la pression exercée par les pays développés pour faire face à l’érosion de leur assiette fiscale, l’incertitude entourant la renégociation des traités fiscaux et une concurrence plus agressive et soutenue des autres centres financiers internationaux. Cependant, la performance de Maurice n’est pas si mauvaise dans la conjoncture, même si elle peut aspirer à bien mieux.

Le secteur du Global Business à Maurice est sujet à plusieurs réglementations strictes. Estce que vous pensez que la juridiction mauricienne est vraiment stricte ou y a-t-il encore du travail à faire en vue de refaire l’image de Maurice?

Généralement, une bonne partie de l’image d’une juridiction demeure dans la robustesse de ses règlements mais pas entièrement. L’application stricte des bons règlements aide à construire et raffermir l’image de la juridiction. Par contre, la mise en application aveugle des règlements inappropriés et/ou ambigus, peuvent avoir un effet contraire.

Alors que Maurice est bien placée dans l’indice “Business Friendly” de la Banque mondiale, il est impératif que nous nous assurions que les règlements demeurent propices à la conduite des affaires, et tout amendement soit bien réfléchi et dans l’intérêt du secteur. Il y a des instances où le cadre règlementaire actuel n’est pas approprié. Par exemple, la Securities Act n’est pas adaptée pour s’appliquer aux fonds d’investissement à placement privé. Bien que ce segment ne soit pas réglementé ailleurs, il nous faut des directives de conduite adaptées aux besoins de ce produit. 

Il y a aussi des cas où la demande des régulateurs dépasse largement le seuil du raisonnable. Ici, je pense aux différentes collectes de données statistiques auxquelles sont soumises les Management Companies chaque année. Les informations requises sont si complexes et pénibles à assembler que Maurice court le risque d’être reconnu plus pour ses données statistiques que pour les produits qu’elle offre, pour sa compétitivité, et pour l’expertise technique de ses professionnels. Les régulateurs ont souvent tendance à faire abstraction du coût de ces exercices pour les Management Companies et privilégient uniquement la nécessité de recueillir ces statistiques. Ces données sontelles vraiment toutes requises et utilisées à bon escient ?

Certains s’obstinent à citer Maurice comme un paradis fiscal. Que faire pour leur dire qu’ils ont tort ?

Ceux qui présentent Maurice comme un paradis fiscal n’ont pas nécessairement la même définition de paradis fiscal que la communauté internationale et l’industrie des services.  A l’exception des GBC2 qui sont exonérées de la taxe, toutes les compagnies enregistrées à Maurice sont sujettes à l’impôt. Le fait que Maurice soit une juridiction à faible imposition fiscale ne veut absolument pas dire qu’elle est un paradis fiscal. Pour ce qui est de la taxe sur la plusvalue, Maurice n’est pas le seul pays qui ne taxe pas ces gains. Singapour en fait de même. Devrionsnous considérer Singapour comme un paradis fiscal pour autant ?Maurice a une économie diversifiée, basée entre autres sur le sucre, le textile, le tourisme, et les services financiers. Maurice ne dépend pas uniquement de son secteur offshore comme les vrais paradis fiscaux. De plus, avec les traités de non double imposition et les Tax Information

Exchange Agreements (TIEA) en place, nous avons un mécanisme bien huilé, calqué sur le modèle OCDE, pour favoriser l’échange d’informations avec d’autres pays. Ce qui contraste avec l’opacité des transactions dans les paradis fiscaux. Concernant les GBC2, j’ai toujours préconisé qu’on étudie des alternatives à ce produit qui, selon moi, dans sa forme actuelle, n’apporte pas de valeur ajoutée à Maurice.  Au contraire, le manque de règlementation au niveau des GBC2 comporte un risque de réputation pour notre industrie et notre juridiction.  Revenant à la question sur le paradis fiscal, le plus triste c’est que ce sont les gens qui connaissent bien les réglementations rigoureuses auxquelles sont soumises les GBC 1, qui considèrent Maurice comme un paradis fiscal. Il serait présomptueux de notre part de leur demander d’utiliser les terminologies appropriées. Nous ne pouvons qu’uniquement répéter les faits : Maurice n’est pas un paradis fiscal. 

La juridiction mauricienne compte désormais plusieurs gros compétiteurs, à l’instar de Singapour, qui a commencé à attirer beaucoup d’investissements indiens. Comment Maurice se différencie-t-il par rapport à d’autres juridictions?

Les compétiteurs agressifs sont une menace pour Maurice et nous devons être conscients de nos faiblesses. Les prestations de services sont généralement meilleures à Maurice que dans les juridictions concurrentes   les investisseurs internationaux nous félicitent pour le niveau de nos services, du moins ceux qui travaillent avec l’IFS.

Nous devons, donc, nous atteler à améliorer nos standards de qualité à travers le partage des connaissances, et avant tout, être pratique dans notre approche, tout en restant prudent et attentif aux besoins de notre clientèle. Si nous devons nous comparer au Singapour, nous échouons au sujet de la proximité des marchés, que ce soit l’Inde, l’Asie du Sudest, la Chine ou le Japon. Les investisseurs préfèrent créer leurs compagnies dans des pays proches de leurs marchés. Notre différence devrait donc se faire au niveau de la qualité de nos produits et nos services, la flexibilité de notre cadre de réglementation et une approche pragmatique de nos régulateurs. 

Les autres compétiteurs importants sont les Channel Islands, les Pays Bas, Dublin et le Luxembourg. Ces derniers sont des centres financiers bien établis et je ne pense pas que nous pouvons les concurrencer dans les domaines où ils ont déjà forgé une niche.  La meilleure façon de pouvoir s’approprier d’une partie du business serait de travailler de concert avec eux. Vu que nous sommes une juridiction à faible coût, nous pouvons leur proposer des services d’externalisation à un taux compétitif, ce qui peut se révéler comme une formule gagnante pour tous.

Comment percevezvous l’attitude de l’Inde qui demande maintenant une révision du traité de non double imposition fiscale datant de plus de 30 ans entre les deux pays et comment peuton avoir une ‘win win situation’ pour les deux pays?

Je crois que l’industrie, de même que les autorités, se sont fait à l’idée que le traité entre l’Inde et Maurice ne survivra pas dans sa forme actuelle. L’Inde voudrait attirer des investissements directs étrangers, et également obtenir l’impôt sur la plusvalue de ces investissements. Si cet objectif se matérialise, ce qui est une question différente, ceci devrait inquiéter l’Inde plutôt que Maurice. Les investisseurs internationaux sont à la recherche de projets qui génèrent un retour sur investissement appréciable, après impôt.  Si l’Inde insiste dans ce sens, il faut savoir qu’il n’est pas le seul pays présentant des opportunités d’investissements. Les investisseurs se tourneront inévitablement vers d’autres pays où d’autres opportunités existent.

L’Inde cherche à renégocier le traité depuis quelques temps déjà et, à chaque fois, l’objectif fixé change. Maurice est prêt à revoir le traité en incluant une clause ‘LoB’ (Limitation of Benefits) dans l’article qui concerne les gains sur les plus-values. J’ai la conviction qu’on peut conclure la renégociation du traité Inde-Maurice de façon satisfaisante pour les deux parties s’il y de la bonne volonté dans les deux camps.  Maurice est prêt à accepter un LOB, et l’Inde devrait démontrer une approche conciliante similaire en traitant les propositions de Maurice avec respect et compréhension. 

Cependant, il faut qu’après que les amendements ont été apportés au traité, celuici a toujours sa raison d’être. Si, par contre, les changements proposés annulent toutes les principales attractions de la juridiction mauricienne, alors ceci équivaudra à une résiliation pure et simple du traité. Pourquoi négocier dans ce cas ? L’Inde devrait reconnaître qu’elle doit laisser une entrée aux investissements étrangers afin de sortir le pays de sa paralysie économique actuelle.

Pensezvous que nous pourrions avoir le même problème que nous avons eu avec l’Inde avec d’autres juridictions avec lesquelles nous avons des accords similaires?

Il y a une tendance pour les pays développés et également ceux en voie de développement de demander une révision des traités de non double imposition afin de s’assurer que le traité n’entraîne pas d’érosion de l’assiette fiscale locale en encourageant les entreprises à transférer leur profits dans des juridictions a faible imposition.

Cette possibilité, qui fait actuellement l’objet d’une initiative internationale au niveau de l’OCDE, est connue comme le BEPS - Base Erosion and Profit Shifting. De ce fait, on ne doit pas considérer ces demandes de révision comme un problème, mais plutôt comme un alignement sur un modèle établi. Le tout est de pouvoir, à la fin de ces renégociations, retenir au moins une partie des attractions du traité pour l’investisseur utilisant Maurice comme plateforme. Le cas de l’Inde est quelque peu différent elle réclame le beurre et l’argent du beurre en brandissant des menaces sous la forme du GAAR sous la loi fiscale indienne.

 

Text by Le Matinal

We also recommend

Tags Cloud
2010accidentsadvertisingAfrAsiaafricaagalegaagroAir Franceair mauritiusAirlinesairportairway coffeeAlvaro SobrinhoamazonAmeenah Gurib-FakimAMLandroidApollo Bramwellappleappointmentsappsarrestasiaauditaudit reportaustraliaaviationawardsBABagatelleBAIBangladeshbankbanksbarclaysbeachbeachesBeau Bassin-Rose HillbetamaxBOIboko haramBollywoodBOMbombingbpmlBPOBramer BankbrazilbrexitbudgetBusinessCanadacanecareercareer tipscasinoCCIDCCMCEBcementChagosCHCchinaCIELcigarettesconferenceConfinementCongoconstructioncontestCoronaviruscorruptionCourtCourtscouvre-feuCOVID-19CPBCPEcreativitycrisiscruise shipsCSOCT PowerCultureCurepipecustomerscustomsCWAcyclonedamDawood RawatDBMdeficitdenguedevelopmentdoctorsDomaine les PaillesDPPdrug traffickingdrugsDTAADuty FreeearthquakeebolaecoécoleseconomyEducationEgyptelectionselectoral reformelectricityEmiratesEmtelenergyENLentrepreneurshipEUEuropeeventsexamexamsexpoexportfacebookfairfarmersfeeFIFA World CupfinancefinancesFirefishfishingFlacqFlic-en-FlacFloodsfoodFootballforecastforeign workersFrancefraudfruitsFSCfuelfunnyGAARgamblinggamesgasgazaGermanygooglegovernmentGRAgreengreen energyhackershajjhawkershealthhealthcareHeritage Cityhistoryholidayshorse racingHospitalhotelhotel businesshotelshow toHRHRDCHSBCHSCIBLICACICTICTAID cardillegal fishingIMFimportindiaIndian OceanIndonesiainflationinfrastructureinnovationsinsuranceinternetInterviewinterview tipsinvestmentinvestmentsiosiPadiphoneiraniraqIRSISISisraelITItalyjapanJin FeijobjobsjournalismKenyaKPMGlandlawlawslayoffsleadershipLepeploanslocal governmentLockdownlotteryLRTLufthansaMadagascarmalaysiamalaysia airlinesmanagementmanagement tipsmanufacturingmarketmarketingmarketsMauBankMauritiansmauritiusMBCMCBMCCImeccaMedical CouncilmedicamentsmedicineMedPointmeetingMEFMESMetro ExpressMEXAMicrosoftMIDMIEmigrationminimum salaryminimum wageMITDmlMMMmoneymoney launderingmotivationmoviesMozambiqueMPAMPCMPCBMRAMSCMSMMTMTCMTPAMusicMV BenitaNandanee SoornackNarendra ModinatureNavin RamgoolamNavind KistnahNCBnceNDUnetworkingNew Mauritius HotelsNHDCNigeriaNobel Prizenorth koreaNTCNWCCofficialsoffshoreoilOlympic GamesOmnicaneorangeOUMPakistanpalestineparliamentPaul BérengerPhilippinesPhoenix Beveragespicture of the daypiracyplagePMPMOpmsdPNQpolicepoliticsportPort LouisPort-LouispostPravind JugnauthPRBpricepricesproblemprostitutionprotestspsacPSCpsychologyPTRpublic servicequatre-bornesrainsRakesh Gooljauryratingsreal estatereformsrepo rateRESrestaurantsresultresultsReunionriceroadsRoches-Noires caseRodriguesRogersRose-HillRoshi BhadainRussiaSAJsalariessalarysalessamsungsaudi arabiasbmSCscamscandalscholarshipscholarshipsSchoolschoolssciencesecuritySeychellessharksshootingshoppingshopping mallSICsicomsingaporeSITskillssmart citysmartphonesSMeSMEDASobrinho casesocial mediasocial networks & messengerssolar energysouthsouth africasouth koreasportSportsstartupsstatisticsstatsSTCstrategystreet vendorsstrikestudysuccesssugarSun Tan caseSunkai casesyriaTAtabletsTanzaniataxtax heaventaxesteaTECtechnologytelecomterrorismtextilethailandthefttime managementtipstourismtradingtrainingstransporttrendstunaTurfTurkeyTVtyphoonukukraineunemploymentunionsuniversityuomUSUTMvacanciesVacoas Popular Multipurpose Cooperative SocietyVacoas-Phoenixvarma casevegetablesVideo of the DayvisaVishnu LutchmeenaraidooWaterWaterparkWeatherWhitedot Casewi-fiWMAWorld BankXavier-Luc DuvalYEPzimbabwe