« Je n’ai pas pris en charge un seul touriste depuis avril 2020. » Comme Samran, conducteur depuis vingt-cinq ans, de nombreux tuk-tuks sont désœuvrés dans les rues de Bangkok depuis que le royaume a imposé des mesures strictes à ses frontières. Malgré la reprise des vols internationaux, les voyageurs devaient toujours respecter une quarantaine stricte de quatorze jours dans un hôtel homologué. De quoi décourager…
Les conséquences ont été désastreuses pour l’économie thaïlandaise. Le pays est passé de 40 millions de visiteurs en 2019 à 73.000 sur le début de l’année, et Bangkok, ville la plus visitée du monde, est déserte. Trois millions de Thaïlandais ont perdu leur emploi, et les pertes se chiffrent en dizaines de milliards de dollars.
Les règles ont déjà été assouplies cet été pour l’île de Phuket, mais cela n’a attiré que quelques dizaines de milliers de touristes. Une goutte d’eau… Alors le gouvernement lève, à partir du 1er novembre, la quarantaine pour les voyageurs vaccinés en provenance d’une quarantaine de pays considérés « à faible risque » (Chine, Etats-Unis, Australie, France, Royaume-Uni, Allemagne, etc.). Ils devront fournir un test Covid négatif effectué dans le pays d’origine, en faire un second dans les 24 heures qui suivent leur arrivée, et séjourner une nuit à l’hôtel.
Les touristes indiens et russes toujours bloqués
Mais le problème peut se situer dans le sens des retours. Toute personne qui quitte la Chine reste soumise à une quarantaine d’au moins 14 jours à son retour, de quoi dissuader. Or, les Chinois représentent 25 % des touristes en Thaïlande. Et les voyageurs de deux autres pays qui représentent des marchés majeurs, l’Inde et la Russie, sont toujours soumis aux conditions les plus strictes.
« Les affaires vont repartir », espère Thanansat qui vend du canard laqué depuis dix ans à Chinatown, un quartier de Bangkok réputé pour sa street-food. « On attend vraiment que le gouvernement thaïlandais lève l’interdiction sur l’alcool qui ne motive pas les touristes à revenir », commente Daniel Kerr, directeur du Chatrium Hôtel, un cinq-étoiles de 400 chambres aux bords du fleuve Chao Praya. Le taux d’occupation de l’établissement s’est effondré à moins de 10 % au pire de la crise.
Un retour à la normale en 2022 ?
Même si la tendance repart à la hausse, difficile pour le directeur de recruter du personnel qualifié. Beaucoup de Bangkokiens, tombés dans un chômage longue durée, sont rentrés en province et rechignent à revenir sans certitudes économiques. La Bangkok Metropole Administration se veut rassurante, tablant sur le bon taux de vaccination pour un retour à la normale à l’été 2022. Les professionnels du secteur tablent plutôt sur 2024.
Que deviendra Samran, notre chauffeur de tuk-tuk, d’ici-là ? « Je ne survivrai pas », s’inquiète-t-il. Il ne reçoit aucune aide du gouvernement pour traverser la crise. « Qu’attendent-ils ? Que je mendie dans les rues ? Que je meurs de faim ? »