Boutiques Chinoises : un Folklore en Voie d’Extinction

11 years ago - April 22, 2013
Boutiques Chinoises : un Folklore en ...
Naguère quintessence du commerce au détail, les boutiques chinoises - ou ‘laboutik sinwa’, dans le parler mauricien - sont aujourd’hui menacées par la grande distribution. Pourtant, celles qui survivent accueillent aujourd’hui encore une clientèle fidèle grâce, notamment, au fameux ‘carnet ration’.

Véritables commerces de proximité, les boutiques chinoises sont un univers bien particulier du paysage mauricien. On y retrouve en effet des senteurs et des gestes qui rappellent un passé révolu, que nos grands-parents et parents ont pourtant bien connu.

Les boutiques chinoises, dans le temps, se distinguaient par leurs ‘vitrines’ richement achalandées dans lesquelles se trouvait un assortiment hétéroclite d’articles en tous genres, allant des gâteaux traditionnels - ‘gato canet’, ‘gato la gomme’ et ‘gato papaye’, notamment - aux produits d’hygiène personnel en passant par tout le nécessaire du nettoyage, avec les fameuses ‘brosse coco’ dont on dit qu’elle vit ces derniers jours...

Le commerce, c’est tout un folklore

A l’angle des rues Labourdonnais et Gladstone, à Rose-Hill, se dresse une bâtisse bariolée de rouge et de bleu. Avec un toit en tôle qui rappelle les maisons coloniales d’antan, le ‘Fee Chen Store’, du nom de l’ancêtre qui y a officié dès les années 1920, est la parfaite illustration de la boutique chinoise à la Mauricienne. Ici, on exécute encore les gestes transmis de père en fils, avec un service personnalisé où le boutiquier, plus qu’un simple commerçant, est un personnage dépositaire des petits secrets des habitants du coin.

A l’intérieur, installé derrière son comptoir, Kongyou Fee Chen, 73 ans, petit-fils Kong Fee Chen, répète inlassablement les gestes appris de son père. Avec ses trois frères, il a hérité de cette boutique qui, pendant longtemps, a été le seul commerce dans cette artère de Rose-Hill. Et c’est à force de sacrifices, avec un service presque 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, la boutique a su prospérer comme nous le révèle le maître des lieux. “La vie dans une boutique est loin d’être facile comme le pensent beaucoup de gens mais avec le temps et de la persévérance, nous avons fini par prospérer”, explique Kongyou, qui est issu d’une fratrie de huit.

Ce qui frappe dans cette boutique, ce sont ces senteurs qui évoquent toute la panoplie de produits qui y sont vendus. Entre le poisson salé, les gâteaux sucrés, le riz, la farine et le vieux papier, c’est un arôme qui est de moins en moins familier pour les Mauriciens, surtout ceux de la nouvelle génération.

Il en est de même pour les “outils” de travail de notre boutiquier. Il y a tout d’abord la ‘balance’ traditionnelle qui peut peser des objets jusqu’à 50 kilos. Et pour les combinaisons impaires, des ‘poids’ de 1 kilo, 2 kilos, 4 kilos, 6 kilos, 10 kilos et 25 kilos font l’affaire. L’appareil, malgré sa vétusté, sert encore, mais il doit être entretenu tous les deux ans, autrement, il perd de sa précision, ce qui peut valoir une amende au boutiquier durant une inspection.

La boutique Fee Chen comprend pas moins de 300 à 400 variétés d’articles. On y retrouve des ‘brosse coco’, du ‘gato papaye’, du ‘gato coco’ ou encore des ‘piao’ vendus au détail. “Les clients adorent ces gâteaux mais en ce qui concerne les ‘brosse coco’, les gens n’en achètent presque plus faire le nettoyage”, nous dit Kongyou.

Parmi les vieilles traditions, on retrouve la vente des produits comestibles au détail comme de l’huile, la farine, le riz et les grains secs. “Avec l’arrivée des hypermarchés, on a perdu pas mal de clients et la vente des produits au détail est pour nous un moyen de survivre. Par exemple, les marchands de gâteaux achètent toujours de l’huile au détail”, affirme le boutiquier. Il ajoute qu’avec le coût élevé de la vie, les consommateurs peuvent faire des économies en achetant au détail, ce qui n’est pas possible dans les commerces de grande distribution.

Autre fait insolite, Kongyou se sert encore d’un morceau de ‘coco fesse’ pour retirer de la farine qu’il place dans un cornet fait avec du papier journal. “Ces cornets sont collés avec une colle fabriquée à partir de farine, de ‘poudre cange’ et de chlore”, précise-t-il.

Avec l’arrivé des supermarchés, la diversification des produits est devenu obligatoire. Fee Chen Store propose ainsi à la vente des bouteilles de gaz ainsi que de la nourriture pour volailles depuis quelque temps. Toutefois Kongyou reconnaît que ce commerce ancestral va disparaître un jour car ni ses enfants, ni ses neveux et nièces ne sont intéressés à prendre la relève...

Raison d’être

Les petites boutiques font de nos jours face à la concurrence des supermarchés et autres hypermarchés. D’ailleurs, de nombreuses petites boutiques ont été converties en commerce de grande distribution, l’idée étant de survivre dans un paysage hautement compétitif.

Malgré l’innovation, la marge de profits des boutiques a considérablement diminué au cours de ces dix dernières années. Depuis le début de l’année, le commerce au détail, au niveau des boutiques, a chuté de 50 %, selon les statistiques. mais certains entrevoient encore un rayon de soleil pour ces commerces de proximité.

Suttyhudeo Tengur, président de l’Association for the Protection of Environment and Consumers (APEC), déclare que les boutiques ont leur place dans le paysage commercial autant que les supermarchés et hypermarchés. “Mais les boutiques doivent pouvoir suivre la tendance et doivent se moderniser afin de pouvoir faire face à la compétition. C’est seulement de cette manière qu’elles pourront survivre. Au cas contraire, c’est la mort certaine. Les gens de la classe moyenne veulent désormais tout avoir sous un seul toit. Et c’est ce que proposent les supermarchés et hypermarchés. Malgré tout, les petites boutiques ont quand même leur raison d’être. Tout dépend aussi de l’offre et de la demande. Par exemple, dans chaque quartier du pays, on a la demande pour du pain le matin et c’est pareil pour d’autres commodités”, dit-il.

Santosh Ramnauth, président de la Shop Owners Association, estime pour sa part que les gens se rendent toujours dans les boutiques mais achètent prudemment. “Les consommateurs préfèrent économiser en ce moment. Les consommateurs se ruent vers les supermarchés et hypermarchés qui poussent comme des champignons de nos jours. Peut-être dans un proche avenir ne verra-t-on plus de boutiques si on se modernise pas ou si on ne suit pas la tendance”, déclare-t-il. Santosh Ramnauth explique en outre que la hausse des prix des produits pèse lourd sur les boutiques. “De nos jours, on doit investir beaucoup plus pour moins de profit. 50 % des boutiques ont dû fermer leurs portes à travers le pays. Durant les dix dernières années, le travail au niveau des boutiques a complètement changé. On doit suivre l’évolution car si on ne le fait pas, c’est certain qu’on mourra”, ajoute-t-il.

Ainsi, certains ont choisi de s’adapter alors que d’autres ne baissent pas les bras et continuent à opérer selon les méthodes d’antan. Au final, même si économiquement, ces boutiques ne sont plus rentables face au bulldozer qu’est la grande distribution, elles font partie de l’imaginaire des Mauriciens et, à ce titre, elles ne mourront jamais !

 

Text by Le Matinal

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