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Dans le monde, bien des radicaux – Mandela ou Gandhi – sont aujourd’hui considérés comme des héros. Des radicaux, on en trouve aussi à Maurice. Qui sont-ils ? Quelles sont leurs motivations et jusqu’où peuvent-ils aller ?
«Cela dépend où l’on se situe, car ce qui est radical pour quelqu’un ne l’est pas forcément pour un autre», souligne Shafiq Osman, docteur en géopolitique. Avec l’avènement du terrorisme islamiste, le mot radical a été presque exclusivement utilisé pour décrire l’extrémisme musulman. Or, un radical est un individu ou un groupe qui se démarque du centre – représentant la norme –, en ayant des opinions tranchées et fermes et qui refuse des compromis. Il se distingue dans toutes les sphères de la société : politique, communautaro-religieux, ethno-identitaire ou encore écologique, rappelle Shafiq Osman.
Ci-dessous, une liste des radicaux du pays, selon la perception qu’ils renvoient, allant de ceux qui sont vus comme les plus pacifistes jusqu’à ceux qui sont vus comme ayant un potentiel de démonstration de force ou de menace de violence.
C’est le radicalisme politique. Ces radicaux de gauche ne souhaitent, ni ne possèdent aucun potentiel de violence. Leur combat s’inscrit contre le système économique et politique en place. Leur classification est due au fait que ces groupes ne se laissent jamais tenter par un quelconque compromis avec les différentes formes de pouvoir. Le 11 mars 2012, à la veille de la Fête nationale, Rezistans ek Alternativ rassemble un millier de marcheurs à Port-Louis pour une république non communale. La police interpelle deux des manifestants et les autres participants occupent La Chaussée, à Port-Louis, dans un sit-in improvisé, entouré des forces de police. Le MMM des années 70, avec ses grèves dans le port et les manifs estudiantines, tombe aussi dans cette catégorie de radicalisme politique, mais depuis, il s’est totalement recentré, voire «droitisé». Ces partis sont aussi des fervents défenseurs de la cause palestinienne et dénoncent le «terrorisme d’Etat» pratiqué par Israël et les Etats-Unis.
Ces militants et groupes écologistes ne se laissent jamais marcher sur les pieds. Ils défendent outrancièrement chaque arbuste et toute espèce animale et s’opposent à toute forme de pollution. À coups de manifestations et à l’issue d’un combat rondement mené, Nature Watch réussit, en 2005, à sauver La Vallée de Ferney face au projet de la route du Sud-Est. En 2013, Jeff Lingaya entame une grève de la faim de 13 jours pour s’opposer à la centrale à charbon de Ct Power. Les écologistes mauriciens n’ont jamais démontré un quelconque potentiel de violence et sont perçus comme des pacifistes. Mais ils font l’objet d’une surveillance étroite car la cause écologique dans le monde tourne souvent à l’affrontement, ce qui a fait, par exemple, de Greenpeace une organisation classée «violente». Chez nous, actuellement, les autorités évitent soigneusement toute fuite d’information concernant les lieux où les chauves-souris sont abattues, pour écarter toute confrontation musclée.
La capacité du prêtre à mobiliser les foules a fait de lui un homme surveillé. Se proclamant «défenseur de la cause créole» et dénonçant ce qu’il appelle des discriminations contre la communauté créole, Jocelyn Grégoire a pu – un peu grâce à sa soutane et ses chants charismatiques – rassembler des milliers de personnes dans des stades. Même s’il est impossible pour le prêtre de sombrer dans, ou d’inciter à la violence pour sa cause, le tissu social et la pluralité du pays font que certains fauteurs de trouble peuvent abuser de son charisme et de ses messages.
Les Tamil Tigers au Sri Lanka militent, avec violence, pour la cause de la minorité tamoule dans ce pays. Ces indépendantistes tamouls ont d’ailleurs assassiné Rajiv Gandhi en 1991 dans un attentat suicide perpétré par une militante. La cause de la communauté tamoule au Sri Lanka bénéficie d’une très grande sympathie de la communauté internationale mais les tigres tamouls sont toujours considérés comme une organisation terroriste. La branche mauricienne, même si elle soutient la cause de la libération du peuple tamoul au Sri Lanka, a ici d’autres priorités, notamment l’obtention d’un siège de Best Loser. La fois où le groupe a réussi à mobiliser le plus de gens, c’était lors de l’épisode des billets de banque durant le premier mandat de Navin Ramgoolam. «La branche mauricienne n’existe plus, mais ses idéaux sont aujourd’hui disséminés au sein des différentes organisations pacifiques tamoules du pays», lâche un membre, qui dit lui-même avoir participé à des entraînements physiques avec le groupe au début des années 2000. «Ces entraînements n’ont jamais existé, c’est faux», rétorque cependant le dirigeant d’une autre organisation tamoule.
Ces informations ont été fournies par le gouvernement du Bangladesh lui-même, précise une source diplomatique. Certains travailleurs de cette nationalité, présents sur notre territoire, traînent un passé sulfureux. Ils seraient les auteurs d’actes répréhensibles dans leur pays, où la vie politique est minée par la violence. Beaucoup d’entre eux ont été déportés, mais il est fort probable que certains, assagis, soient toujours à Maurice. En tout cas, ici, ils ne sont pas organisés et n’ont aujourd’hui aucune raison d’avoir recours à la violence.
Depuis la prise du pouvoir par l’alliance Lepep, on leur a coupé l’herbe sous les pieds et on les entend de moins en moins. Le groupe, dont le symbole représente deux sabres ensanglantés autour du drapeau national indien, dit militer pour la communauté hindoue. «Les politiciens abusent de la communauté, et si personne ne hausse le ton, ça va durer», affirme Nuvin Unoop, un des dirigeants. Selon lui, malgré les perceptions, Voice of Hindu (VoH) n’est pas un groupe violent. Quant aux entraînements physiques que suivent les membres, Navin Unoop explique que ce sont des jeunes que la VoH aide à sortir de la drogue et de l’alcool. «Nos six gymnases ne servent qu’au sport et non aux entraînements d’assaut», assure-t-il. Il nie aussi que la VoH soit un groupe armé, même si sur deux photos sur Facebook, Navin Unoop tient des armes à feu. «Ce sont des fusils de chasse, c’est un divertissement et j’ai les permis requis.»
Personnage à la réputation sulfureuse, dont le nom a été associé à l’escadron de la mort, mais il n’a jamais été condamné. Utilisant clairement des messages religieux pour arriver à des fins politiques, Cehl Meeah a été député de 2010 à 2014 et depuis, il est moins «inquiétant pour les autorités». Cela n’a jamais été établi, mais Cehl Meeah pourrait bénéficier d’importants financements de l’Arabie Saoudite. D’ailleurs, il a toujours revendiqué d’importantes connexions dans le royaume, prétextant pouvoir faire augmenter le nombre de visas pour le hadj. Dans l’édition de l’express, hier, Cehl Meeah déclare que son élection et son évolution au Parlement ont démenti les accusations d’extrémisme portées contre lui.
Ces trois organisations pratiquent l’islam conservateur. Elles ont chacune été, à un moment, étroitement surveillées et dans certains milieux, au moins deux de ces trois organisations sont taguées pro-Daech. Fadlur Rahmaan, responsable de la branche locale de Hizb Ut Tahrir, explique qu’il n’est ni radical ni extrémiste, même s’il estime qu’il faut un califat. «Certainement pas à Maurice, et certainement pas à la manière de Daech. Nous ne les reconnaissons pas, et c’est faux, je ne me suis pas rendu en Syrie pour combattre el-Assad.» Sabeer Chowtee, directeur d’Al Huda Wan Noor, ne se considère pas non plus comme étant radical, et il dit, au contraire, mener une campagne d’explication pour calmer les ardeurs de ceux qui soutiennent Daech. Quant à Areff Bahemia, directeur de Zamzam Institute, il dément tout financement étranger et, comme ses deux confrères, se dit totalement opposé à toute forme de violence
C’est l’homme le plus surveillé du moment.Au micro, dans une mosquée, il a déjà lancé : «Il faut que nous allions faire la guerre en Syrie.» L’étendue de son réseau n’est pas connue mais c’est un homme fort charismatique. Les autorités ne le considèrent pas comme une menace sur le territoire mauricien mais son radicalisme et son soutien presque affiché à Daech font de lui un homme à surveiller.