Université de Maurice: Dhanjay Jhurry revient à la charge et devient vice-chancelier

C’est à 14 heures que les délibérations ont pris fin au sein du comité chargé de recruter le VC. Au même moment, fait-on comprendre, «les membres du conseil d’administration ont appris qu’une réunion devait se tenir à 15 heures. Cela s’est passé très vite». En effet, en début d’après-midi, un Special Council a eu lieu, où le posting du Pr Dhanjay Jhurry a été accepté à l’unanimité.

Selon nos informations, parmi les candidats présélectionnés se trouvaient également un étranger et un autre postulant mauricien. Ce qui a surtout fait la différence, s’accorde-t-on à dire, c’est la présentation du Pr Dhanjay Jhurry lors de l’entretien. «Tous les dossiers personnels des candidats ont été épluchés. Et il n’y avait aucun reproche contre le Pr Jhurry.»

Mauricien de l’année

Cela fait 22 ans que le Pr Jhurry travaille à l’UoM. Après avoir complété un doctorat en chimie des polymères à Bordeaux, il prend d’abord de l’emploi au département Recherche et développement de la société biopharmaceutique Flamel Technologies sise à Lyon. En 1995, il rejoint la faculté des sciences à Maurice, où il obtient le statut de Professor of Chemistry dix ans après. Autre corde à son arc: le Centre for Biomedical and Biomolecular Research (CBBR), qu’il fonde en 2010.

En 2011, après une année exceptionnelle, le scientifique est sacré Mauricien de l’année par l’express. Car cette même année, au mois de mai, il est le premier lauréat du Best Mauritian Scientist Award, du Mauritius Research Council. Un mois après, il reçoit un National Research Chair de la Tertiary Education Commission. Et en octobre, le centre dont il est le directeur, le CBBR, obtient le statut de centre d’excellence. Par ailleurs, le nouveau VC compte plusieurs dizaines de publications.

Iqbal Sookhroo, président de l’University Staff Union, la filière non académique : «Nous accueillons favorablement la nomination du Pr Dhanjay Jhurry en tant que VC. Nous espérons qu’il sera juste et accordera le même traitement à tous les employés de l’UoM. Car dans le passé, nous avons fait face à de mauvaises expériences. Nous le soutiendrons et espérons que l’UoM sera mené à bon port.»

Preethee Gonpot, présidente de l’University of Mauritius Academic Staff Union, la filière académique : «Le corps académique soutient pleinement le Professeur. C’est un chercheur connu dans le monde. Nous sommes certains qu’il comprendra les ressources de l’UoM. Tout sera fait de notre part pour permettre à l’université d’aller de l’avant. Nous souhaitons le rencontrer pour discuter de nos dossiers.»

Dhanjay Jhurry, nouveau vice-chancelier de l’université de Maurice (UoM) : «Je n’ai jamais usé de lobbies, je suis un scientifique»

>En 2013, vous avez été éliminé à la dernière minute de la course pour le poste de VC. Vous attendiez-vous à être retenu cette fois-ci ?

On m’a joué un sale tour à l’époque. Même l’Equal Opportunities Commission l’a souligné, je devais être choisi. J’ai travaillé encore plus dur et je suis venu avec un dossier en béton. J’étais confiant. Je sais que le comité a apprécié ma présentation.

>Quelles sont les grandes lignes de votre présentation ?

Avant tout, j’ai fait état de ce qu’est l’UoM, de ses forces. Nous avons des cours qui forment des gens, on ne peut le nier. Nous avons des faiblesses aussi : le faible taux de recherches, les difficultés à attirer les finances, la faible production des recherches… Et, nous avons une image tellement négative. Même les dirigeants ne croient plus en nous. Cela est dû à la malhonnêteté, au manque d’intégrité et d’éthique du Senior Management. Les valeurs fondamentales de l’UoM ont été bafouées.

La présentation a répondu à des questions fondamentales : qui sommes-nous et où voulons-nous aller ? Nous voulons que l’UoM apporte plus au pays, qu’elle diffuse ses connaissances et contribue au développement du pays. Il faudrait qu’elle soit le troisième maillon sur le modèle Triple Helix. C’est-à-dire qu’il faudrait avoir le gouvernement, le secteur privé et l’université, où on produit le capital intellectuel.

>Quelles sont les mesures concrètes que vous comptez prendre ?

J’ai décliné une série de choses, une stratégie axée sur sept points. La finance, l’ouverture vers la communauté et le rôle de la recherche entre autres. Il faut aller vers les gens et mettre l’accent sur le développement des valeurs.

L’UoM doit pouvoir rendre des comptes. Il faut aussi choisir l’ouverture à l’international, aller vers les étrangers et les amener à Maurice.

Tout le personnel universitaire devrait se retrouver dans ce programme. Je souhaite une autre administration, plus ouverte et moins pyramidale.

>Vous avez mentionné le personnel de l’UoM. Cela fait des années qu’il y a des guerres intestines, des «clans» au Senior Management…

Oui. C’est parce que les gens utilisent ces postes comme des plateformes, des tremplins. Je n’ai rien à prouver, je suis au service de l’UoM. Je n’ai jamais usé de lobbies, je suis un scientifique. Les lobbies, je n’y ai jamais cru. Et je n’ai jamais eu de problème avec des gens et j’ai encore moins été conciliant. Il faut argumenter et discuter. Toujours sur les idées, jamais sur les gens. Les idées seulement doivent être au centre.

>L’autre nuage à l’horizon est le déficit budgétaire de l’UoM. Quelles sont vos solutions ?

Je mentirai si je dis que dans quelques mois l’UoM ira mieux. Je compte d’abord établir les priorités et régulariser les dépenses. Revoir les stratégies et les démarches. Il faudra faire face à la vérité, on devra laisser tomber certains coûts, tout en attirant des collaborations secteur privé–université. Il faut établir de bonnes bases pour que ça aille mieux. J’encourage l’innovation et la volonté. J’ai toute la motivation qu’il faut pour le faire et aller vers l’étranger.

>Le niveau de l’UoM a souvent été remis en question, surtout en ce qui concerne les langues. Certains pensent que la quantité est privilégiée à la qualité. Quel est votre avis ?

Ça fait mal. Tous nos diplômes sont reconnus, nous travaillons avec des External Examinators. Il n’y a pas que les langues, des étudiants d’autres facultés ont des lacunes. Il faut tout mettre à plat. On ne progressera pas si on laisse les choses telles quelles. Ce serait mentir que de dire qu’au bout de trois ans, l’UoM sera parmi les 100 premières universités mondiales. Mais on va tout faire pour améliorer la situation. Il va falloir travailler en fonction de ce qu’on a, les choses ne s’amélioreront pas avec une baguette magique…