Taux d’intérêt: privilégier le remboursement des dettes à la consommation

2 years, 1 month ago - February 22, 2022
BANK OF MAURITIUS

BANK OF MAURITIUS

L’écart entre le taux d’inflation affichant 7,4 % en glissement annuel à janvier 2022 et le taux d’intérêt sur l’épargne pratiqué par les banques commerciales, se creuse davantage.

Résultat : chaque roupie mise à la banque perd de la valeur, décourageant l’épargne en ces temps difficiles pour les consommateurs. Si Maurice se retrouve de plus en plus dans l’obligation de suivre la tendance mondiale et d’augmenter le taux directeur pour lutter contre l’inflation en hausse, il est temps que les Mauriciens donnent la priorité au remboursement de leurs dettes maintenant, car choisissant le moindre mal, la dette est condamnée à coûter plus cher si nous voulons sortir de cette spirale inflationniste.

Rs 126,4 Milliards. C’est le montant de la dette des ménages incluant le logement à fin décembre 2021, alors que nous parlons de plus en plus d’appauvrissement des Mauriciens, face à un taux d’inflation qui affiche 7,4 % en glissement annuel à janvier. En effet, l’inflation, loin d’être transitoire, augmente crescendo et malgré cette tendance qui s’affiche sur la durée, le Repo Rate (taux directeur) est à ce jour toujours fixé à 1,85 %, encourageant la dette, et donc la consommation au détriment de l’épargne.

Doper la croissance à travers la consommation est en effet une stratégie gouvernementale depuis des années maintenant ; or, c’est une stratégie de moins en moins pertinente, considérant que Maurice est un pays qui importe quasiment tout avec une roupie dépréciée. Il est à noter qu’en décembre, la note d’importation s’élevait à Rs 23,9 milliards, contre des recettes d’exportation de seulement Rs 7,9 milliards.

Pour combattre l’inflation, poison économique de bon nombre de pays dans le monde, plusieurs banques centrales, à l’instar de l’US Federal Reserve, établissent déjà des prévisions d’augmentation du taux d’intérêt, décourageant le crédit et réduisant donc la liquidité disponible à la consommation, favorisant ainsi une baisse de l’inflation et une augmentation de l’épargne.

Cela dit, cette stratégie implique qu’il coûtera plus cher de contracter et de rembourser des dettes. Dans la mesure où maintenir le taux directeur à 1,85 % ne fera qu’accroître l’inflation, les consommateurs devraient commencer à se préparer à l’éventualité d’une hausse des taux d’intérêt et à se concentrer sur le remboursement de leurs dettes au plus vite. Nous y reviendrons.

Baisser les taux d’intérêt pour booster la croissance à travers la consommation est une stratégie assez commune. À titre d’exemple, au mois de janvier, la Chine a pris la décision de réduire ses taux d’intérêt pour booster ses chiffres de croissance, qui ont pourtant atteint 8,1 % en 2021. La People’s Bank of China a donc déclaré qu’elle abaissait le taux d’intérêt sur 700 milliards de yuans (110 milliards de dollars américains), l’équivalent des prêts à moyen terme d’un an, à 2,85 %. Attention, il ne faudrait pas commettre l’erreur de se comparer à la Chine, car l’Empire du milieu représente un énorme marché de consommation considérant la taille de sa population et le fait que le pays produise et exporte énormément, rétablit la balance.

Repo Rate depuis 2017

À Maurice, cette tendance de réduction des taux d’intérêt se fait depuis plusieurs années maintenant. En février 2017, le Repo Rate était de 4 %, passant à 3,50 % en novembre 2017. Le taux d’inflation en glissement annuel était de 4,2 % en 2017, l’écart entre inflation et taux d’intérêt étant correct à cette période et l’épargne domestique affichait Rs 45,7 milliards. En 2018, le taux directeur est resté à 3,50 % alors que l’inflation en glissement annuel affichait 1,8 % et l’épargne était de Rs 43,1 milliards. À partir d’août 2019, le Repo Rate chute à nouveau passant à 3,35 %, face à un taux d’inflation en glissement annuel de 0,9 %, mais l’épargne reste à Rs 43,9 milliards.

En 2020, c’est la dégringolade. Passant à 2,85 % en mars, le Repo Rate est, d’avril 2020 à ce jour, fixé à 1,85 % alors que l’inflation montre des signes alarmants, passant de 2,7 % en 2020 à 6,8 % en 2021, en glissement annuel. Cela se ressent sur l’épargne qui tombe à Rs 35,4 milliards en 2020, puis passe à Rs 41,5 milliards en 2021. Actuellement, le taux d’épargne est à 0,25 % à la MCB contre un taux d’inflation de 7,4 % ; bref, vous aurez compris que mettre votre argent à la banque ne fait que réduire la valeur de votre monnaie. Dans le même élan, une baisse de l’épargne affecte les banques, qui ont donc moins à rediriger vers les emprunts.

Que peut-on dire de l’impact de cette tendance ? «Il est vrai que le Monetary Policy Committee (MPC) a considérablement abaissé le Repo Rate ces dix dernières années, passant de 5,50 % en 2012 à 1,85 % en 2020. Cette tendance de politique monétaire accommodante des banques centrales a été mondialement adoptée, cherchant le plus souvent, à travers des voies du taux d’intérêt et du crédit, à relancer l’économie par le crédit bancaire, la consommation, l’investissement et l’emploi. Dans ce contexte, il est évident que l’épargne devient moins attractive pour les ménages qui privilégient l’endettement, compte tenu du faible coût de la dette», explique Jean Francois Ulcoq, Head - Fixed Income & Liquidity Management d’AfrAsia Bank. Toutefois, prévient-il, «avec l’inflation mondialement répandue et plus persistante que prévu depuis l’année dernière, l’épargnant fait face à une situation délicate car il voit la valeur de ses économies s’éroder, le poussant davantage à la consommation et l’investissement.»

Croissance et reprise

À présent, face à l’inflation des derniers mois, des pays comme le Royaume-Uni et les États-Unis paraissent privilégier une hausse des taux d’intérêt pour rétablir une certaine balance du pouvoir d’achat et combattre l’inflation. En revanche, l’Union européenne, à travers la Banque centrale européenne, paraît moins résolue sur ce plan, privilégiant plutôt la croissance et la reprise. Quid de Maurice ?

«Bien que la fin des moratoires du Covid-19 Support Program ait été reportée à juin 2022 par la Banque de Maurcie (BoM), après le ralentissement drastique de l’économie locale ces deux dernières années et l’ouverture tardive des frontières par rapport aux Seychelles ou aux Maldives, la reprise est encore loin. Les gros générateurs de devises étrangères comme l’exportation et le tourisme souffrent encore et l’emploi s’améliore lentement. Les ménages et les entreprises devront éventuellement faire face à une hausse des taux d’intérêt», dit Jean Francois Ulcoq. Mais pour l’heure, selon lui, l’alternative entre une inflation supportable et la certitude de conserver l’emploi est primordiale. «La BoM sera soumise, comme toutes les banques centrales cette année, à un choix extrêmement difficile, et devra faire preuve d’une grande prudence et de modération pour ajuster la politique monétaire et accompagner la reprise économique.»

L’économiste Bhavish Jugurnauth indique, pour sa part, qu’il est important de noter que comme le taux d’inflation est maintenant plus élevé, chaque roupie épargnée perd de son pouvoir d’achat avec le temps. «Naturellement, nous sommes susceptibles de tomber dans le piège de l’endettement où beaucoup commencent déjà à avoir des difficultés à rembourser leurs prêts. Les possibilités de refinancement seront moins nombreuses aussi. Les autorités, y compris les banques, les sociétés de crédit et les compagnies d’assurance, devraient à mon avis lancer une campagne d’informations sur les effets possibles d’une hausse des taux d’intérêt dans une situation économique aussi exceptionnelle. Cela sera bénéfique à la fois aux institutions de prêt et financement et aux banques. Sinon, nous risquons d’être confrontés à une augmentation du nombre de prêts non performants.»

Or, il ne faut pas oublier que si augmenter les taux d’intérêt aidera à combattre l’inflation, les entreprises risquent d’accentuer les lobbies contre cette stratégie, car elles devront, elles, payer plus cher leurs dettes qui s’élèvent à Rs 269,7 milliards à décembre 2021, soit environ 60 % du PIB. Pour cela, l’économiste Kevin Teeroovendagum maintient qu’il est temps que le secteur privé se sorte lui-même de la spirale de l’endettement, pour laisser l’État s’occuper de ce qui devrait être sa préoccupation première, le citoyen lambda.

«Depuis la crise financière de 2007-2008, les autorités ont drastiquement réduit le Repo Rate pour stimuler une meilleure performance des compagnies, au détriment des épargnants. Pourtant, bien avant le Covid-19, bon nombre d’entreprises faisaient face à un gros problème d’endettement, sans pour autant prendre les actions correctives qui s’imposent et maintenant que le problème s’est aggravé, c’est de nouveau à l’État, et donc aux citoyens à travers les fonds publics d’en subir les conséquences.» Il ajoute que le secteur privé doit impérativement se recapitaliser, créer de la valeur et sortir de cette spirale de la dette. «Ceux qui ne peuvent pas se recapitaliser doivent se restructurer, se réinventer ou ouvrir leur actionnariat aux investisseurs étrangers.»

Investissement stratégique

Quelles sont nos autres options que la consommation pour stimuler la croissance ? Bhavish Jugurnauth propose que l’État trouve d’autres moyens pour permettre aux entreprises de participer à la relance économique, que ce soit par l’investissement stratégique dans les secteurs à potentiel, ou améliorer le partenariat entre les secteurs privé et public entre autres, pour générer davantage d’investissement privé.

«Bien entendu, il nous faut attirer plus d’investissements directs étrangers, ce qui conduira automatiquement à la croissance économique, au contrôle de la dépréciation de la roupie et de l’inflation. Il faut aussi investir dans les secteurs émergents comme les Fintech, Regtech et EduTech. Tout cela implique l’identification des industries qui stimuleront la reprise économique, la protection des entreprises locales contre les concurrents étrangers, la promotion des exportations et la création d’une société inclusive, plus équitable et qualifiée pour l’avenir.»

Finalement, aucune décision ne sera facile à prendre, mais il faudra bien faire des choix, combien difficiles ils seront, car il vaut mieux traiter le mal déjà bien infecté maintenant, que de faire face à un cancer en phase terminale plus tard.

Text by lexpress.mu

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