«On ne le souhaite pas, mais on peut dire désormais que cela fait partie des possibilités», reconnaît une source qui supervise les opérations au Bouchon. La raison: les moyens pour délivrer le vraquier des récifs s’avèrent «plus importants que prévu». Or, à tout moment, «l’assureur peut décider de stopper les frais».
L’assureur ? Le P&I Club de Londres, dont un représentant est attendu sur le site dans les prochains jours. Créées au XIXe siècle en Angleterre, les Protection & Indemnity Insurance Clubs sont de puissantes mutuelles d’armateurs qui assurent 90 % du tonnage mondial. Mais pas à n’importe quel prix. La facture de Five Oceans Salvage, la société grecque dépêchée par l’armateur du navire, dépasserait déjà le million de dollars. Peanuts pour leLondon P&I… sauf que le remorquage à proprement parler n’a pas encore débuté.
Vingt-trois jours après son échouement, le mastodonte libérien de 44 000 tonnes n’est donc pas prêt de s’en aller. Le problème du moment : libérer la partie de la coque encastrée dans la roche. L’option du dynamitage, un temps mise en stand-by, tiendrait toujours la corde. «C’est le flou complet», s’agace-t-on au ministère de l’Environnement, où l’ont ne veut pas entendre parler d’explosifs, car «se serait prendre le risque de massacrer les écosystèmes». Un veto qui n’en est pas un : «Au final, c’est la cellule de crise qui aura le dernier mot.»
Un scientifique nuance: «Plus le bateau reste longtemps, plus l’impact sur l’environnement sera important. La dynamite, c’est ce qu’il y a de plus rapide. Tout bien pesé, donc, ce procédé n’est pas une si mauvaise idée.» En attendant, les préparatifs pour le remorquage continuent. Au moins deux des six remorqueurs de Five Ocean Salvage seront engagés dans la délicate opération: le Coral Sea et le Ionian Sea, des monstres de puissance qui emmènent 10 000 chevaux et 100 tonnes de traction chacun.
A priori, ce ne sera pas suffisant. Un troisième remorqueur, plus puissant, est attendu au Bouchon. L’angoisse les sauveteurs ? Que les câbles rompent. «Ce n’est pas tant le poids du Benita qui pose problème, explique un habitué de ce genre d’opération, mais le fait que le bateau soit posé sur du dur. Le frottement de l’eau sur la coque, déjà, produit un important freinage. Quand ce n’est plus de l’eau mais de la roche, la résistance est décuplée. Pour prendre une image, c’est un peu comme faire du ski nautique sur le récif : ça glisse beaucoup moins.»