«Dans la forme, je pense que le contrat du Chief Executive Officer a été résilié d’une façon non conforme aux principes de la bonne gouvernance », nous a déclaré le ministre Bhadain lundi. Il compte, en ce sens, s’entretenir avec l’ancien no1 de la compagnie d’aviation nationale afin de discuter de ce renvoi.
La résiliation du contrat de Megh Pillay est diversement commentée au sein du gouvernement de l’Alliance Lepep. Il nous revient que plusieurs membres du gouvernement, et non des moindres, ont exprimé leur mécontentement à la suite de cette décision et comptent soulever la question en haut lieu. Bashir Jahangeer, député de la circonscription Rivière-des-Anguilles/Souillac (no13), nous déclare qu’il attend « avec impatience » les explications du leader du MSM, Pravind Jugnauth. « C’est clair qu’il y a une confusion à ce sujet », nous a-t-il déclaré.
Outre le mécontentement de certains au gouvernement, Bissoon Mungroo, membre du conseil d’administration d’Air Mauritius et proche collaborateur du Premier ministre sir Anerood Jugnauth, n’a pas caché son irritation concernant l’éjection de Megh Pillay. Il a rencontré le Premier ministre lundi et le sujet aurait été évoqué.
Les autres membres du board, issus du secteur privé, sont, à ce jour, peu loquaces sur la tenue de ce Board qui a été décidée à la dernière heure vendredi. Certains ont cependant évoqué le souhait, lundi, que le Board soit de nouveau convoqué. Mais au niveau du service de communication de la compagnie d’aviation nationale, on explique que ce n’est que le 10 novembre que le conseil d’administration se réunira, et il sera notamment question des comptes de la compagnie.
Au niveau du Prime Minister’s Office, c’est motus et bouche cousue. On devrait peut être en savoir plus ce mercredi lors d’une sortie de sir Anerood Jugnauth à l’Aapravasi Ghat.
Megh Pillay a encore un pied au Paille-en-Queue Court... Si son contrat en tant que Chief Executive Officer (CEO) d’Air Mauritius a été résilié avec effet immédiat lors d’une réunion spéciale du conseil d’administration vendredi après-midi, il demeure néanmoins un directeur au sein de cette même instance. Et il n’est pas dit qu’il va soumettre sa démission, confie son entourage.
« Techniquement, il est un directeur du Board, car il a été élu par les actionnaires. Reste maintenant à savoir quand une Assemblée générale sera appelée pour le révoquer », a indiqué un ténor du barreau lundi soir. Sept légistes ont d’ailleurs eu une longue réunion de travail avec Megh Pillay durant toute la journée de lundi pour se pencher sur la procédure adoptée par le conseil d’administration de la compagnie nationale d’aviation pour le remercier. Le fait qu’aucune raison officielle n’ait été avancée pour licencier Megh Pillay 28 mois avant la fin de son contrat laisse augurer une âpre bataille légale.
Après lui avoir communiqué la décision de se défaire de ses services par téléphone vendredi, le secrétaire du board, Fouad Nooraully, lui a adressé une confirmation écrite lundi après-midi. Il lui a, entre autres, signalé qu’il aura droit à six mois de salaires « in lieu of notice ». Selon des sources au Paille-en-Queue Court, l’ex-CEO devrait toucher près de Rs 5 millions en termes de salaire de base.
Selon ce qui ressort de la réunion spéciale de vendredi, Megh Pillay a été limogé parce qu’il s’entêtait à aller de l’avant avec un comité disciplinaire qu’il a institué contre Balakrishna Seetaramadoo, dit Mike, malgré les injonctions d’Arjoon Suddhoo. Pour le président du conseil, c’est le Staff Committee qui aurait dû se pencher sur ce cas d’insubordination face au CEO.
Mike Seetaramadoo devrait toutefois être entendu le mois prochain pour avoir notamment décidé d’accorder un rabais de 15 % aux ministres et aux fonctionnaires, entre autres, sur les billets d’avion sans avoir consulté la direction, voire le conseil d’administration. Ce qui implique un manque à gagner pour Air Mauritius qui vient à peine de renouer avec les profits.
À l’Hôtel du gouvernement, on affirme que le cas Seetaramadoo ne serait qu’une des raisons derrière la décision du conseil d’administration d’Air Mauritius de licencier Megh Pillay. Il ressort que son destin aurait été scellé depuis plusieurs semaines, car il ne collaborerait pas avec le président du conseil d’administration. D’où le fait que le chef du gouvernement ait été « préparé » par deux membres du Board dès vendredi matin. « Il traitait Arjoon Suddhoo avec mépris. Le ton de ses courriels l’attestent », confie une source proche du dossier.
Notre interlocuteur avance également que Megh Pillay préférait traiter directement avec le Premier ministre sir Anerood Jugnauth plutôt que d’assister aux réunions du conseil d’administration, allant jusqu’à dire qu’il avait « mieux à faire ». Le point de non-retour a été atteint lorsque l’ex-CEO n’a pas voulu se plier aux directives d’Arjoon Suddhoo pour qu’il annule le comité disciplinaire institué à 16 h 30 vendredi contre Mike Seetaramadoo.
Des questions se posent toutefois dans l’entourage de Megh Pillay sur la légalité du conseil d’administration de vendredi. Surtout sur le nombre restreint de membres présents. Ils étaient en majorité des fonctionnaires, dont l’ex-Secretary to Cabinet Satyaved Seeballuck qui aurait dû être remplacé depuis un mois par son successeur, Nayen Koomar Ballah. Même le Financial Secretary Dev Manraj était présent...
La réaction des investisseurs a été brutale. à la première séance boursière après l’annonce de la résiliation du contrat de Megh Pillay, Chief Executive Officer d’Air Mauritius, l’action de la compagnie a perdu Re 1,20, soit une baisse de 8,5 % . Cela se transcrit par une baisse de quelque Rs 123 millions de la capitalisation boursière d’Air Mauritius. Selon AXYS Stockbroking Limited, il faut remonter au 12 mai 2015 pour assister à un tel déclin. Lors de cette séance, l’action avait chuté de 8,6 %. à Rs 13, c’est le niveau le plus bas en trois mois, affirme AXYS Stockbroking. On devait s’attendre à cette situation sur le marché officiel. Car, à l’annonce de l’arrivée de Megh Pillay à la tête d’Air Mauritius, les investisseurs avaient exprimé leur accord, avec l’action s’envolant de 11,5 % en deux séances, fin février 2016.
Cette baisse n’arrange pas les affaires des actionnaires, surtout les petits porteurs, déjà privés de dividendes pour l’année financière 2015/2016. Selon le dernier rapport annuel d’Air Mauritius, au 30 juin 2016, la compagnie comptait 12 179 actionnaires. De ce nombre, 10 483 détenaient entre une et 1 000 actions, et 1 140 avaient entre 1 001 et 5 000 unités.
Pour Awadh Balluck, président de la Listed Company Minority Shareholders Association et actionnaire au sein d’Air Mauritius, « c’est dégoûtant. (…) Il n’y a aucune indépendance. C’est de l’ingérence pure et simple. Un CEO a le droit de demander des explications et de prendre des mesures contre ceux qui, à son avis, le méritent. »
Et d’ajouter qu’au nom de la bonne gouvernance, « on doit connaître les raisons de ce départ. Si effectivement il y avait eu une quelconque faute ayant entraîné le licenciement, le marché n’aurait pas réagi de la sorte ».
Air Mauritius (MK) ne sortira pas de sitôt de la zone de turbulences. Le limogeage de Megh Pillay comme Chief Executive Officer (CEO) de la compagnie nationale d’aviation suscite plusieurs questions. Dont celle sur l’influence qu’a l’Executive Vice-President (EVP) Mike Seetaramadoo sur le conseil d’administration et sa proximité avec des locataires à l’hôtel du gouvernement.
Un élu de la majorité issu d’un parti minoritaire de l’alliance Lepep explique que ce cadre d’Air Mauritius serait un proche des beaux-parents de Pravind Jugnauth. Et que, de plus, le ministre des Finances aurait été influencé par une personne de son entourage pour trancher en faveur d’Arjoon Suddhoo, président du conseil d’administration de MK, dans le bras de fer qui l’opposait à Megh Pillay.
L’ex-CEO avait initié un comité disciplinaire, présidé par Me André Robert, pour statuer sur les accusations à l’encontre de l’EVP alors qu’Arjoon Suddhoo était plutôt favorable à un Staff Committee où il siège avec l’ancien CEO et Prakash Maunthrooa. Ce membre du conseil d’administration est également membre du MSM. À chaque Staff Committee, c’est le tandem Suddhoo-Maunthrooa qui a toujours le dernier mot, dit-on.
Sollicité par l’express, Megh Pillay déclare qu’il avait opté pour un comité disciplinaire suivant les conseils légaux des Senior Counsel Mes Désiré Basset et Ravind Chetty. «Nous avions choisi Me André Robert pour présider le comité disciplinaire parce qu’il est quelqu’un de neutre et un professionnel», explique-t-il.
De son côté, Awadh Balluck, président de la Listed Companies Minority Shareholders Association d’Air Mauritius, se pose également des questions. «Il y a quelques personnes qui protègent Mike Seetaramadoo tout comme il y a des proches du gouvernement qui influencent le conseil d’administration d’Air Mauritius. Pour quelles raisons veut-on le protéger ?» se demande-t-il.
Ce petit actionnaire d’Air Mauritius fait un appel au Premier ministre sir Anerood Jugnauth pour qu’il écarte ces personnes influentes de la compagnie. Cependant, l’express a appris que le chef du gouvernement aurait tenté de maintenir Megh Pillay en poste, mais qu’il aurait finalement cédé. La façon dont le board a convoqué la réunion pour licencier le CEO fait également l’objet de commentaires. «Même s’il y avait quorum, les représentants des actionnaires du privé n’ont pu participer à la réunion et s’exprimer», note Reza Uteem, le porte-parole du dossier économique au MMM.
L’express a aussi tenté d’avoir la version d’Arjoon Suddhoo et de Prakash Maunthrooa, sans succès. Maneesh Gobin, l’avocat de Mike Seetaramadoo, indique, pour sa part, qu’il ne peut faire de commentaire sur la décision du conseil d’administration de MK ou sur les relations de son client avec le gouvernement.
Pour sa part, le chef du gouvernement a déclaré à la presse qu’il ne connaissait rien de l’affaire alors que Pravind Jugnauth a dit qu’il n’avait aucun élément sur le licenciement de Megh Pillay, vendredi. L’express a essayé de le contacter hier, en vain.
Le député mauve Reza Uteem s’étonne que la Bourse de Maurice et la Financial Services Commission n’aient pas encore réagi. «MK est cotée en Bourse. La révocation de Megh Pillay aura un impact sur la courbe.»
Outre l’opposition, des backbenchers du gouvernement sont mécontents de la situation qui prévaut au sein de MK. Interrogés hier matin, trois d’entre eux ne se sont toutefois pas prononcés, au contraire de Sudesh Rughoobur.
Ce député de Grand-Baie–Poudre-d’Or, qui a parlé en tant que gestionnaire, soutient qu’en parcourant les journaux depuis samedi matin, il trouve que le «board d’Air Mauritius finn fané». Il souligne que le gouvernement a nommé des personnes au sein de ce conseil d’administration pour jouer leur rôle convenablement mais pas pour s’ingérer dans le travail du CEO. «C’est dommage qu’Air Mauritius ait perdu un gestionnaire de la trempe de Megh Pillay. Je ne comprends pas comment Mike Seetaramadoo peut toujours rester en poste.»
Le député du gouvernement réclame une enquête sur Mike Seetaramadoo. «Déjà, je me demande s’il avait l’expérience de 12 années pour occuper le poste aux ressources humaines. Que le comité disciplinaire soit institué pour enquêter sur lui», insiste-t-il.
Craint-il qu’il ne soit rappelé à l’ordre après cette sortie contre le board d’Air Mauritius et Mike Seetaramadoo ? «Je suis un député, j’ai certains principes et le gouvernement est actionnaire majoritaire de MK. Il faut que le conseil d’administration rende des comptes sur certaines interrogations de la population. Non, autant que je sache, le bureau politique du MSM ne se mêlera jamais de l’administration de MK et pour cela je ne crois pas qu’on pourrait m’empêcher de parler sur cette compagnie.»
Très remonté contre le limogeage de l’ancien CEO de MK, Sudesh Rughoobur indique qu’il compte soulever la question à l’ajournement des travaux parlementaires du 15 novembre. «Si les questions parlementaires sur Air Mauritius ne sont pas autorisées, je dirai tout ce que je pense autour de la révocation de Megh Pillay à l’ajournement des travaux.»
D’autres backbenchers du gouvernement sont prêts à donner leur avis dans les prochains jours.