Côte-d’Or: une fourmilière de coûteux projets d’infrastructures

1 year, 11 months ago - May 09, 2022
Côte-d’Or: une fourmilière de coûteux projets..
Ces derniers jours, cette localité de Moka est sous les feux des projecteurs. Elle file au galop avec un nouvel hippodrome, qui n’en est pas le seul projet.

De futurs développements sont annoncés, dont un campus tertiaire et l’industrie pharmaceutique, entre autres. Mais pourquoi Côte-d’Or ? Combien ont coûté les projets achevés et quid de ceux prévus ? Qu’en est-il de l’accessibilité ? Tour d’horizon.

La Côte-d’Or International Racecourse and Entertainment Complex Ltd est la compagnie d’État enregistrée pour pilo- ter la réalisation du nouvel hippodrome de Maurice, qui sera situé au n°8 (Quartier-Militaire/Moka), la circonscription du Premier ministre. Un pur hasard ? La nouvelle est tombée juste après la résiliation du bail du Mauritius Turf Club au Champ-de-Mars. D’autant que depuis 2015, trois projets d’hippodrome étaient sur la ligne de départ, à Balaclava, Pamplemousses et Pierrefonds, dont le coût était évalué à Rs 1,5 milliard. Mais désormais, Côte-d’Or semble bien parti pour coiffer les autres au poteau.

Pourquoi le choix de cette localité pour l’hippodrome ? «Nous ne savons absolument rien de ce projet. Ce n’est pas passé au Conseil de district de Moka, qui régit Côte-d’Or. Tout ce qui s’y passe relève de l’État. Seuls des projets commerciaux nécessitant des permis passent par le conseil», explique une source de la localité. À son avis, la disponibilité de terrains pourrait justifier le choix de Côte-d’Or. Que comprend la localité au juste ? Un terrain de football pour les habitants vient d’être lancé, confie-t-il, dans ce village, qui abrite une église, une école et un nouveau village hall et compte 250 votants sur 1 200 à 1 500 habitants

La superficie consacrée aux développements infrastructurels est d’environ 2 500 arpents, indique le consultant Gérard Sanspeur. Une raison qui expliquerait qu’elle soit devenue une fourmilière de projets infrastructurels. Rappelons que Côte-d’Or est plébiscité comme futur education and health hub. Depuis 2017, une smart city devait sortir de terre, selon un master plan conçu à l’époque par Place Dynamix, en collaboration avec Lux Consult. Selon le Government Information Service, ce document a été finalisé le 23 octobre 2017 pour développer 2 160 arpents. Un appel d’offres avait été lancé aux promoteurs pour des projets de développement et 59 demandes avaient été reçues à mars 2018. Une trentaine avait été présélectionnées et recommandées au comité directeur de Landscope.

En 2017-2018, le Budget national prévoyait un investis- sement de Rs 3,6 milliards sur trois ans pour des bâtiments administratifs. D’autres projets ont été annoncés dans les derniers Budgets. Certes, Côte-d’Or s’avère une terre propice à d’ambitieux projets. Si bien que le plan du futur hippodrome semble filer à vive allure, faisant jaser l’opinion publique au passage.

Un choix qui fait germer plein de questions. «Déjà faut-il avoir un autre hippodrome ? L’État n’a pas fait d’études d’opportunités pour voir les alternatives au projet. Il y a des protocoles et étapes à respecter. La première était de mesurer le besoin d’un hippodrome. Deuxièmement, il fallait choisir les lieux et avoir des experts qui diraient quel climat, quel sol et quel accès sont requis ; et des professionnels financiers, etc. À ma connaissance, aucune étude de faisabilité, ni de site n’a été effectuée», déclare Gérard Sanspeur, qui ajoute que ce type de projet requiert une consultation publique.

Il se demande d’ailleurs si l’hippodrome figurait dans le master plan de la Côte-d’Or smart city. Si sa superficie en fait un atout, «il ne faut pas l’utiliser pour n’importe quel projet». Cette région se résume, dit-il, à une agglomération de projets et à un futur gâchis comme à Ébène. Un «fourre-tout» dans un sens alors qu’un schéma-directeur avait été intelligemment élaboré. Nous avons essayé d’en savoir plus auprès de Place Dynamix, mais sans succès.

Pour revenir à la smart city, le ministre des Finances avait indiqué au Parlement qu’un appel d’offres devait être relancé comme une objection à l’octroi de terrains à deux soumissionnaires avait été effectuée alors qu’une trentaine étaient éligibles. Si ces projets avaient été acceptés, cela aurait engendré un embryon de la ville avec l’argent du secteur privé. Le coût des infrastructures pour la Côte-d’Or smart city tournait autour de Rs 850 millions. En l’absence d’une restructuration, elle peine à décoller. Et si cela arrive, «ce serait une autre cybercité qui laisse à désirer en termes de planification», ajoute Gérard Sanspeur, car il ne faut pas juste sortir des idées, mais des projets viables. Même s’ils se concrétisent, ils sont dépourvus d’études préalables. Il cite notamment le SME Park bâti sur un terrain marécageux.

Quelles infrastructures ont été érigées à Côte-d’Or ? On ne peut faire l’impasse sur le National Sports Complex inauguré le 15 juillet 2019, au coût de Rs 4,7 milliards, qui a fait vibrer Maurice lors des Jeux des îles de l’océan Indien. Qu’ad- vient-il de cet édifice ? Selon Jean-Pierre Sauzier, président du conseil d’administration du Mauritius Multisports Infrastructure Ltd, ce complexe évolue dans d’excellentes conditions avec des équipes de maintenance sur place. «La piste d’athlétisme vient d’être certifiée aux normes internationales. En juin, nous accueillerons les championnats d’Afrique. Parallèlement, notre terrain de football a été certifié par la Fédération internationale du football (FIFA). Quatre compétitions internationales ont eu lieu récemment. D’autres événements sportifs pour la natation, le karaté, la gymnastique, etc., se tiennent régulièrement en adéquation avec les normes sanitaires. Avec le Covid-19, on ne peut pas organiser de grosses manifestations avec le public. Nous avons énormément de demandes, notamment pour la tenue de salons, mais ce n’est pas possible pour l’instant à cause de la pandémie.» Jean-Pierre Sauzier souligne que deux gros prestataires internationaux ont approché les responsables pour de futurs événements, ce qui nourrit les espoirs pour Côte-d’Or.

Transport en commun

Outre le complexe sportif qui a le vent en poupe, on trouve un morcellement privé – Auréa – qui, lui, fait pâle figure. «C’est un véritable eyesore, qui n’encourage pas les gens à y habiter», ajoute Gérard Sanspeur. Contacté à plusieurs reprises sur l’état d’Auréa, Sudhirchandra Soonarane, président du Conseil de district de Moka, n’a pas répondu à nos appels. Il nous revient qu’il serait en voyage… donc bien loin de Côte-d’Or. D’autres questions se posent sur l’accessibilité. Les prestataires d’autobus n’y opèrent que de manière minimale. L’absence d’arrêts d’autobus et de gares sur le site n’en facilite pas l’accès justement.

Jean-Pierre Sauzier affirme qu’une approche à deux niveaux a été adoptée auprès du ministère des Terres et de la Corporation nationale de transport (CNT). «Ils travaillent sur un dossier pour organiser un passage régulier des transports en commun. Par exemple, cela peut se faire directement des gares les plus proches, dont celle de St-Pierre ou d’autres. Le projet est à l’étude et avance à notre entière satisfaction. Je pense que nous avons déjà identifié les arrêts sur lesquels nous travaillons aussi et nous attendons le retour de la CNT pour voir les routes qui seront disponibles.» Sur cet aspect, Rao Ramah, General Manager de la CNT, explique que la ligne 153 St-Pierre pourrait inclure une extension jusqu’à Côte-d’Or, si besoin est dans le futur. «On étudie la possibilité d’avoir d’autres routes s’il y a du mouvement là-bas», nous a-t-il déclaré.

Nous avons sollicité la direction de Landscope Mauritius pour connaître l’avancée des projets à Côte-d’Or. Nos questions étaient focalisées sur son choix pour le projet d’hippodrome et d’autres projets d’infrastructure, le coût de l’hippodrome et son financement, les infrastructures existantes, les coûts d’investissement et si elles sont fonctionnelles, les futurs projets et où en sont les choses pour la Côte-d’Or smart city et si ce projet prévoyait initialement un hippodrome et enfin, quelles étapes ont été suivies avant de démarrer le projet d’hippodrome. La CEO, Naila Hanoomanjee, nous a répondu ceci par courriel : «I am only a Director of the newly created Côte-d’Or International Racecourse and Entertainment Complex. Since no meetings have yet been held by the company, I am not able to answer your questions.» Elle nous a dirigé vers le ministère des Finances, qui a créé la compagnie et qui pourrait nous répondre. Nous lui avons adressé notre requête en fin de semaine et attendons une réponse dans les prochains jours.

Text by lexpress.mu

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