Catherine Gris: «5 000 emplois perdus et 130 entreprises fermées en dix ans dans l’industrie»

7 years ago - March 23, 2017
Catherine Gris, Chief Executive de l’Association of Mauritian Manufacturers (AMM)

Catherine Gris, Chief Executive de l’Association of Mauritian Manufacturers (AMM)

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L’industrie locale passe par des moments difficiles, mais tout n’est pas perdu. Catherine Gris, Chief Executive de l’AMM fait un état des lieux du secteur. Elle met l’accent sur les diverses initiatives de l’association pour aider l’industrie mauricienne à se renforcer.

>Parlez-nous de la campagne «Made in Moris» lancée par l’AMM dans le cadre de la fête de l’Indépendance.

C’est une campagne 360° que nous lançons chaque année. Notre stratégie consiste à être sur le terrain, dans la presse et dans tous les encarts de la distribution. Nous serons aussi très présents sur les plateformes digitales cette année. L’objectif est de faire connaître les produits, de rappeler que derrière chaque produit il y a des humains, des compétences et des savoir-faire tout en suscitant la fierté de consommer mauricien. Ces objectifs sont des fondamentaux qui sont à l’origine de la démarche du Made in Moris depuis son lancement en 2013.

Nous sommes une petite île qui aurait pu se contenter de tout importer, comme les Bahamas, mais nous sommes des producteurs dans l’âme, et ce, depuis les débuts même de notre histoire. Notre campagne consiste aussi à rappeler que ce logo est une façon de mettre en avant la fiabilité des produits pour Maurice et de manière générale, de sensibiliser le consommateur au fait qu’en achetant mauricien, il joue dans son propre camp. Évidemment, si la production locale n’existait pas, il serait tout à fait légitime d’acheter des produits d’ailleurs. Mais on dit qu’à qualité égale, si on n’a pas le réflexe de choisir mauricien, on joue contre son camp. Il faut tout de même se rendre compte que lorsqu’on réalise un acte de consommation, on a un impact sur la balance des paiements. Et on sait que celle-ci affiche un trou abyssal de Rs 75 milliards.

>Quel est l’avenir de la marque, quatre ans après son lancement ?

On est toujours en développement. Le Made in Moris a déjà une forte notoriété et la confiance des Mauriciens. Neuf Mauriciens sur dix connaissent la marque et 97 % d’entre eux disent lui faire confiance. Reste à transformer cette confiance en acte d’achat, une priorité qui fait déjà partie de notre plan pour 2017. De plus, nous voulons être plus inclusifs. Le Made in Moris ne doit pas être perçu comme la cour de récréation des grands industriels uniquement. Nous travaillons avec SGS pour adopter une approche plus souple et pour pouvoir mieux accompagner les petites entreprises.

De plus, le Made in Moris est un label géographique avec des critères d’amélioration continue derrière. Notre objectif, en faisant venir des petites structures, est de leur donner les moyens de s’auto-évaluer, grâce à un benchmark, et d’avoir un plan d’amélioration.

Par ailleurs, nous continuons d’aller chercher de nouveaux secteurs comme celui des produits agricoles avec une vraie réflexion autour de l’agriculture raisonnée. Nous avons déjà labellisé le secteur de l’artisanat et les produits culturels et nous souhaitons continuer à en convaincre davantage. En 2017, nous serons présents partout, à travers plusieurs projets à la télé, dans la presse écrite, entre autres. Nous souhaitons remercier la MCB, un sponsor qui nous soutient depuis le début, une aide d’autant plus grande que nous ne recevons pas de fonds publics. Nous avons fait appel au gouvernement afin que nous puissions renforcer nos moyens de communication et nous souhaitons voir dans quelle mesure nous pouvons créer un partenariat stratégique afin d’être plus visibles.

>Derrière le «Made in Moris» il y a aussi une politique industrielle…

La bataille sur le marché intérieur va aussi se gagner avec des moyens de politique économique. Nous souhaitons être dans une logique public-privé de buy mauritian mais nous en sommes encore loin. Le Made in Moris n’est qu’un élément de cette stratégie parce que, quelque part, on est en reconquête de notre marché intérieur qui, depuis dix ans, nous file entre les doigts à cause de la puissance de frappe des produits importés.

On se bat contre des multinationales implantées en Afrique du Sud, en Chine ou en Turquie. Nous souhaitons avoir un partenariat avec le secteur public tout en respectant la concurrence et l’ouverture car nous pensons qu’il est possible d’avoir un système qui permet de préserver nos intérêts fondamentaux au sein de l’industrie locale sans entrer dans une logique protectionniste. On demande que tout soit mis en oeuvre pour que la production locale persiste, vu qu’en dix ans, on a perdu 5 000 emplois et 130 entreprises. C’est tellement plus facile de devenir trader, de nos jours.

>Parlez-nous de la stratégie de l’AMM qui voudrait être un «Act Tank» pour l’industrie locale.

Nous souhaitons mettre en place des projets qui amèneraient une vraie plus-value pour nos industriels, à commencer par la formation, car le manque de main-d’oeuvre est un véritable problème pour le secteur, notamment au niveau des jeunes. Le gouvernement dispose d’un excellent outil, le National Skills Development Programme (NDSP), et nous voulons être pionniers dans l’industrie et contribuer à ce que le secteur privé s’empare du NDSP.

Manser Saxon, par exemple, a été l’un des premiers à lancer son académie de formation, et nous aimerions que cette société puisse aider d’autres entreprises à monter leurs centres de formation en interne. De plus, on se concentrera sur l’innovation dans le secteur, à travers la création d’un Learning Hub industriel. L’idée est de voir comment transférer l’innovation. C’est pour cela que lors de la table ronde qui aura lieu lors de notre prochaine Assemblée générale annuelle, nous ferons venir un laboratoire français, CEA Tech, qui fait partie du Commissariat de l’énergie atomique (CEA). L’objectif est de voir comment CEA Tech peut aider les industriels à travers des outils numériques. L’on pourrait, par exemple, trouver des solutions pour consommer moins d’électricité, de matières premières et même modifier l’organisation de travail afin d’optimiser les performances, ce qui peut apporter un réel avantage compétitif.

Nous souhaitons tirer meilleur profit de la bannière Made in Moris afin qu’elle nous aide pour ce qui est des exportations, un projet sur lequel nous travaillons avec la Mauritius Export Association. Il s’agit d’un projet de warehousing et de clustering sur l’Afrique. L’idée est d’aller sur le marché africain en se regroupant et en se dotant de moyens communs, dont l’entreposage et le marketing sur un marché cible. On démarre l’étude de faisabilité cette année.

>Quel est l’état de l’industrie à ce jour ? Est-elle sur la bonne voie pour atteindre les objectifs de la Vision 2030, qui est d’augmenter la part du secteur à 25 % du produit intérieur brut ?

Non. Ça ne va pas. Les exportations régressent. Il y a de nouveaux secteurs sur lesquels le gouvernement fait beaucoup d’effort, dont le pharmaceutical village, soit des projets qui ont certes beaucoup de potentiel. Mais l’industrie locale a, elle, affaire à une concurrence féroce, parfois déloyale. Nous ne sommes pas suffisamment soutenus et aidés. Non pas que l’on quémande. Il est bien connu qu’il faut accorder un avantage fiscal à l’industrie dans tout pays qui veut préserver ses petites et moyennes industries, de même que ses capitaines d’industrie. Aussi longtemps que, du point de vue de la politique industrielle on n’aura pas incité à produire localement, que ce soit sous forme de Buy Mauritian Act ou de mesures fiscales pour ceux qui achètent localement, cette situation va perdurer.

>Est-ce toujours rentable pour une entreprise de produire localement ?

Je pense que oui. Ex-usine, on est rentable. Mais il y a deux enjeux pour l’industrie de demain : croître sur son marché intérieur et exporter. On sait que nous ne sommes que 1,3 million d’habitants. Nous aimerions bien voir une île Maurice plus ouverte aux expatriés, qui ont un pouvoir d’achat et qui amèneraient leurs capitaux et savoir-faire.

En ce qui concerne la compétitivité, on est compétitif à qualité égale, aussi longtemps que la concurrence est loyale. Les Mauriciens ne sont pas des consommateurs avertis sur des questions de qualité. Pour eux, c’est d’abord le prix qui compte. Et on les comprend. Quand on a un pouvoir d’achat limité, on tient compte du prix.

Autre constat : nous exportons très peu. La grande idée des ultralibéraux d’enlever les droits de douane était dans l’idée qu’en parallèle, l’industrie locale allait se re-engineer, devenir compétitive et utiliser les plateformes comme la Communauté de développement de l’Afrique australe et le Marché commun de l’Afrique orientale et australe pour exporter. Sur le papier, c’est bien, mais quand vous sortez de l’usine et que vous ajoutez tous les coûts de la chaîne logistique, comment voulez-vous être compétitif?

>Comment voyez-vous l’avenir de l’industrie ?

Nous restons optimistes. Mais il est nécessaire, aujourd’hui, de redynamiser l’emploi et l’achat locaux dans l’industrie. Nous avons encore une base, il y a des entreprises profitables, bien installées sur leur marché, qui sont leaders. Mais il ne faut pas oublier les PME qui souffrent.

L’écosystème industriel, c’est comme un jeu de dominos, si ça commence à basculer, ce n’est pas seulement le secteur industriel qui souffre, c’est le marchand de dal pouri qui vend aux abords des usines, les transporteurs qui assurent le transport des ouvriers ou encore le fournisseur d’équipement pour le froid, entre autres. Des entreprises qui sont souvent des PME…

Text by lexpress.mu

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