Blanchiment d’argent et financement du terrorisme: une vingtaine de lois amendées

3 years, 10 months ago - June 23, 2020
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Certains spécialistes n’hésitent pas à affirmer que les carottes sont cuites pour Maurice, avec la publication, dans la Gazette de l’Union européenne (UE), de la liste de pays à hauts risques, mis sur liste noire. Cependant, le gouvernement consolide dès ce mardi 23 juin le cadre légal existant, pour mieux combattre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

SI certains spécialistes du secteur des services financiers soutiennent que les carottes sont déjà cuites pour Maurice (avec la décision de l’UE de nous placer sur sa liste noire), d’autres, en revanche, y entrevoient une lueur d’espoir. Entre-temps, le gouvernement tente, sur le front juridique, de démontrer la bonne volonté du pays à combattre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, en venant, dès mardi, avec une nouvelle législation. Celle-ci étendrait la supervision à d’autres secteurs où les risques de blanchiment sont réels, notamment la bijouterie, les jeux de hasard ou encore l’immobilier.

En fait, le nouveau texte de loi, The Anti-Money Laundering and Combatting the Financing of Terrorism (Miscellaneous Provisions) Bill 2020 (AML/CFT), présenté au Parlement, demain, par le ministre des Services Financiers, Mahen Seeruttun, se veut être une réponse aux critiques des instances européennes quant aux manquements légaux qui nous sont reprochés dans notre combat contre les risques liés au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme. Ce, notamment, dans le Global Business et, par ricochet, à l’ensemble du secteur des services financiers.

Concrètement, ce nouveau texte de loi, qui vient consolider le cadre légal existant, apporte des amendements à une vingtaine de lois couvrant divers secteurs d’activités. Ils vont, entre autres, des institutions bancaires, avec la Banking Act, aux magasins de bijouterie, avec la Jewellers Act, en passant par les opérateurs de paris (Gambling Regulatory Authority Act) ou encore, du foncier et de l’immobilier (Notaries Act). D’autres législations, comme la Financial Services Act, la Dangerous Drugs Act, la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act (FIAMLA) ou encore, la Financial Reporting Act, figurent sur cette liste de législations qui seront renforcées.

«La nouvelle loi, l’AML/ CFT, découle de l’engagement du gouvernement, depuis l’année dernière, à apporter des changements majeurs par rapport aux cinq recommandations du plan d’action du Groupe d’action financière/Financial Action Task Force (GAFI/FATF) d’ici septembre», explique le directeur de la Mauritius Bankers Association, Daniel Essoo. Cette instance a été consultée par les autorités au moment de l’élaboration de ce texte de loi.

Daniel Essoo explique que la nouvelle législation vient mettre en place un système où des opérateurs des secteurs économiques plus exposés aux risques de blanchiment seront légalement obligés de rapporter des transactions suspectes à la Financial Intelligence Unit (FIU), l’autorité habilitée à mener des enquêtes financières liées à ce délit. À cet effet, de nouvelles dispositions légales y figurent pour s’assurer que dans certaines professions, le signalement de ces transactions se fasse de manière rigoureuse.

Par exemple, le Mauritius Institute of Professional Accountants (MIPA) aura l’obligation de veiller à ce que les firmes comptables qui détectent, dans le cadre de leur exercice d’audit, un cas suspect de blanchiment d’argent, rapportent le cas directement à la FIU par le biais d’un questionnaire en ligne. Les amendements apportés à la FIAMLA réduisent le délai prescrit pour la soumission d’un STR (Suspected Transaction Report), passant de 15 jours à 5 jours.

À l’instar des comptables, les opérateurs de paris, dont des bookmakers, sont également concernés par la nouvelle loi-cadre. Les amendements à la GRA Act leur imposent une obligation légale d’informer les autorités concernées de toute transaction pouvant éveiller des soupçons. D’ailleurs, il n’est un secret pour personne que les jeux de hasard, qu’ils soient courses hippiques ou casinos, demeurent un instrument privilégié pour blanchir l’argent sale. Avec les nouveaux amendements, les bookmakers et autres opérateurs œuvrant dans ce secteur auront à collaborer avec la GRA pour limiter les risques de blanchiment d’argent. Idem pour les bijoutiers, les agences immobilières, les notaires et les avocats, où le même système sera appliqué pour un reporting optimisé des transactions suspectes.

Est-ce que ce nouveau cadre juridique répondra aux attentes de l’UE ? À cette question, des spécialistes se demandent si ce n’est pas trop tard pour renverser la vapeur et extirper Maurice de la zone rouge… Daniel Essoo est d’un avis plutôt nuancé, estimant qu’avec cette nouvelle législation, Maurice sera dotée d’un arsenal fiscal avant-gardiste que même certains États européens ne possèdent pas. Toutefois, il se montre dubitatif à la question de savoir si ce progrès sur le front fiscal permettrait de faire sortir Maurice de la liste noire de l’UE d’ici le 1er octobre prochain. Du coup, les efforts à tous les niveaux doivent être poursuivis, dit-il.

Liste noire : les services financiers sous haute tension

On l’anticipait déjà depuis le 7 juin. La publication du nom de Maurice dans la Gazette de l’Union européenne (UE), officialisant du coup son blacklisting par les instances européennes, est définitivement une source d’inquiétude. Ceci, tant pour le gouvernement que pour les opérateurs car les effets économiques pourraient être plus dévastateurs que ceux du nouveau coronavirus. En attendant la réunion de la dernière chance avec les experts du Groupe d’action financière (GAFI) le 31 août, les opérateurs se posent des questions sur la pérennité de ce secteur porteur de croissance depuis plus de deux décennies, et générant des emplois pour les diplômés et autres professionnels mauriciens, tout en contribuant jusqu’à 12 % de notre PIB.

Mahesh Doorgakant, président de l’Association of Trust & Management Companies, reconnaît que la tâche n’est pas facile pour sortir de Maurice de cette liste noire. Car, dit-il, il faut se concentrer sur le travail qu’il reste à faire pour gagner la gagner la confiance du GAFI. Il insiste que la balle est dans le camp du gouvernement et qu’il incombe à celui-ci de démontrer que le pays ne mérite pas d’être inclus sur cette liste. Mahesh Doorgakant rappelle, dans la foulée, que le gouvernement a suffisamment défendu ce dossier auprès des instances européennes. «Je ne vois pas ce qu’on aurait pu faire de plus. Cette situation est intervenue au mauvais moment. S’il n’y avait pas cette pandémie, nos dirigeants auraient fait le déplacement pour plaider la cause de Maurice auprès de l’UE. Une rencontre physique aurait eu plus d’impact que des échanges par voie téléphonique.»

Entre la publication du nom de Maurice dans la Gazette de l’UE et la date butoir du 1er octobre, quand toutes les portes nous seront fermées (si les autorités ne parviennent pas à convaincre les dirigeants européens), il n’existe pas de grande marge de manœuvre. «Il faut une communication tous azimuts pour faire la démonstration que, d’ici la fin de cette année ou au plus tard au début de 2021, les critiques faites à l’égard de la juridiction mauricienne relèveront du passé.» Cependant, rappelle Mahesh Doorgakant, si Bruxelles reste intransigeant, les investisseurs n’auront d’autre choix que de s’installer ailleurs, en acceptant d’encourir les coûts élevés associés à une éventuelle délocalisation de leurs opérations.

Pour les firmes d’experts-comptables, qui suivent cette situation de près, l’ensemble du secteur des services financiers serait menacé car il y va des risques associés à la réputation même de la juridiction mauricienne. Wasoudeo Balloo, partenaire en fiscalité chez KPMG, trouve, lui, qu’il sera difficile pour le secteur d’attirer de nouveaux clients, avec l’image écornée de Maurice suivant ce blacklisting. «Les implications fiscales seront énormes car les institutions financières seront soumises à des taux punitifs face à des transactions, avec des Development Financial Institutions opérant en Europe.» D’où l’insistance que le plus tôt que Maurice soit retirée de cette liste, le mieux ce sera pour le secteur financier.

D’ailleurs, comme les malheurs des uns font le bonheur des autres, le positionnement de Kigali, la capitale du Rwanda, comme un centre financier de référence en Afrique sub-saharienne, interpelle les opérateurs. Faut-il craindre cette situation ? «C’est de bonne guerre, d’autant plus que ce secteur n’est qu’à son début. Nous aurions fait de même pour attirer vers nous les investisseurs susceptibles de quitter un centre financier pour un autre», soutient Mahesh Doorgakant.

Maurice saura-t-il passer le test du 31 août ? Le ministre des Services financiers et de la Bonne gouvernance, Mahen Seeruttun, explique que toute la stratégie développée pour se conformer au plan d’action du GAFI va dans ce sens. Il ajoute que le gouvernement multiplie les initiatives pour faire l’UE changer de posture face à notre juridiction. «Nous sommes en contact régulier avec l’Union européenne et le GAFI, pour leur expliquer les progrès réalisés par rapport aux cinq recommandations restantes…»

LES «IN & OUT» DE L’UE

L’inclusion ou l’exclusion d’une juridiction sur sa liste de centres financiers à hauts risques est une procédure courante au niveau de l’UE. Dès qu’elle est satisfaite de l’élimination de manquements signalés selon ses recommandations, la réhabilitation de la juridiction sanctionnée est immédiate. C’est ce qui s’est passé le 19 juin : alors que Maurice et 19 autres juridictions sont officiellement placées sur la liste noire de l’UE, six autres l’ont quitté. Elles sont : la Bosnie-Herzégovine, la Guyane, le Laos, l’Éthiopie, le Sri Lanka et la Tunisie.

Text by lexpress.mu

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