Frais d’examens du SC/HSC: Comment repenser le collège

7 years, 7 months ago - September 14, 2016
Frais d’examens du SC/HSC: Comment repenser...
L’absentéisme a pris racine dans les collèges. Pourquoi les élèves boudent-ils les classes ? Le système est-il dépassé ? Faut-il fermer les écoles ? Quel serait le modèle idéal ? Décryptage…

Faire payer les examens du School Certificate et du Higher School Certificate aux élèves qui n’ont pas un taux de présence de 90 %. C’est le moyen qu’aurait trouvé le ministère de l’Éducation pour contrer l’absentéisme, devenu chronique, pendant les deuxième et troisième trimestres dans les collèges. Cependant, la vague de mécontentement causée par ces mesures ne semble être que le sommet de l’iceberg. Des pédagogues parlent d’une analyse en profondeur et d’une nouvelle manière d’approcher l’enseignement et l’apprentissage.

«Le problème est bien plus complexe et grave. Il faudrait d’abord comprendre et analyser le problème d’absentéisme à travers une étude indépendante», fait valoir Faizal Jeerooburkhan, pédagogue. Il recommande d’ailleurs une étude sur le terrain pour déterminer les causes exactes de ce mal. «Peut- être qu’il s’agit des leçons particulières, ou alors, les élèves révisent-ils plus efficacement à la maison. L’école n’attire plus les collégiens», constate-t-il.

Faizal Jeerooburkhan est d’avis que les classes à l’école ne sont plus stimulantes et l’approche pédagogique est centrée uniquement sur les examens. «Tout est ultra académique. Le bourrage de crâne est au centre même de l’enseignement. L’école n’est plus un endroit où les élèves trouvent plaisir à se rendre», laisse-t-il entendre. Et d’ajouter qu’à la moindre occasion, l’élève trouvera une raison de s’absenter. Selon Faizal Jeerooburkhan, il faudrait surtout trouver une nouvelle pédagogie stimulante et attirante pour donner envie aux élèves de se rendre à l’école.

Les propos de Lucien Finette, ancien directeur du Mauritius Examinations Syndicate (MES), abondent dans le même sens. «À 18 ans, les citoyens ont le droit de vote. On ne peut pas les traiter comme des enfants !» martèle-t-il. Il avance que le temps du bourrage de crâne est révolu. Selon lui, les méthodes d’enseignement actuelles devraient être revues pour être plus modernes. «Il faudrait par exemple inclure les réseaux sociaux et d’autres formes de communication dans le cursus», précise-t-il.

Lucien Finette ajoute, par ailleurs, qu’il faudrait redéfinir le rôle de l’enseignant. «Le nouveau rôle de l’enseignant est surtout d’accompagner l' élève. Il doit l’aider à faire sortir ce qu’il a en lui», dit-il. Quelle serait l’école idéale ? Pour l’ancien directeur du MES, ce serait une école sans mur. «L’école doit être un endroit où l’enfant apprend en jouant», indique-t-il.

Pour Soondress Sawmynaden, président de l’Association des recteurs, l’école n’a pas évolué avec son temps. «Les jeunes viennent d’un monde où la technologie est reine. Il faut créer des cyber environments pour les cyber kids. La formation des enseignants pour travailler avec les outils informatiques est également importante», laisse-t-il entendre.

Faut-il pour autant fermer l’école ? «Bien sûr que non. L’école donne une formation académique, psychologique et sociale à l’élève. Elle contribue aussi à l’enrichissement de sa personnalité», dit Basheer Taleb, président de la Fédération des managers du privé. La solution, selon lui, est de mettre en place un external monitoring pour mieux contrôler le fonctionnement des classes. L’organisation d’activités extracurriculaires est aussi souhaitée.

Leçons particulières ou école, la parole aux collégiens

Les remous causés par les frais d’examens du School Certificate (SC) et du Higher School Certificate (HSC), de même que le taux de présence obligatoire de 90 %, remettent le système éducatif lui-même en question. Entre les problèmes de manque d’engagement évoqués et les leçons particulières, quel est l’avenir de l’école ? Faut-il dans ce cas fermer les établissements scolaires ? Nous avons posé la question à des collégiens.

Nabil Khodabaccus, candidat du HSC au Collège Royal de Curepipe

«Je ne pense pas qu’il faut fermer les écoles. Mes amis me parlent de problèmes avec les enseignants dans d’autres écoles ou des élèves qui ne s’adaptent pas à leurs enseignants. Personnellement, j’adore mes profs. Je prends des leçons particulières parce que c’est la culture. Avec le système de lauréats qui est tellement compétitif, nous ne pouvons pas nous permettre de miss out on what others are doing.

Nous n’allons pas à l’école pendant le troisième trimestre pour concrétiser le travail que nous avons appris pendant nos deux années de HSC. On ne doit pas fermer les écoles, on doit améliorer le système – le rendre moins compétitif en premier lieu.»

Dean Baungalea, candidat du HSC au Curepipe College

«Non, il ne faut pas fermer les écoles mais il faudra améliorer le système. Par exemple, je pense qu’on n’accorde pas assez d’importance aux matières pratiques. Nos écoles mettent plutôt l’accent sur les sujets très théoriques. Mais quand on en vient aux sujets où il faut mettre en place des projets et des travaux personnels, il nous faut plus de temps que pour les autres matières, hors des salles de classe.»

Anusha Vencadasmy, candidate du HSC au Droopnath Ramphul State College

«Nous passons beaucoup plus de temps à l’école et il y a aussi le côté non académique qu’il faut prendre en considération. Dans mon école, nous avons des conseillers pédagogiques, par exemple. Par contre, il faut changer le système. Et je pense que la raison pour laquelle les leçons particulières sont si importantes est que l’école ne convient pas aux besoins spécifiques de tout le monde.

Par exemple, je connais beaucoup d’élèves dyspraxiques (NdlR : qui souffrent d’une mauvaise coordination des gestes et de problèmes d’orientation dans l’espace) ou dyslexiques (NdlR : qui ont une difficulté d’apprentissage de l’orthographe et de la lecture) ou qui simplement ne s’adaptent pas au système. Et c’est difficile avec tant d’élèves dans une classe de leur donner l’attention particulière dont ils ont besoin. C’est quelque chose qu’il faudra changer. Pour l’instant, il ne faut pas condamner les leçons particulières non plus parce qu’elles offrent cette attention-là.»

Les collèges confessionnels épargnés

Alors que le fort taux d’absentéisme dans les collèges monopolise les débats de ces derniers jours, les collèges du Bureau d’éducation catholique (BEC) arrivent à tirer leur épingle du jeu. Joint au téléphone, Lindsay Thomas, le recteur du collège Saint Esprit, fait part de son entière satisfaction quant au taux de présence enregistré jusqu’ici auprès de ceux qui prendront part aux examens du SC et du HSC. Une rencontre entre son personnel et les élèves d’Upper VI a même eu lieu, deux semaines de cela, où ils ont, entre autres, fait le point sur la situation des «attendances».

Comment expliquer cette situation ? Sollicitée par l’express, Gilberte Chung, la directrice du BEC, est restée injoignable lundi 12 septembre. Mais Lindsay Thomas, explique, lui, que dans le collège, il existe des révisions planifiées, où méthodologie de travail rime avec efficacité. Ce que vient confirmer Patrick Paya, à la fois responsable du département des Human Values et enseignant de science. «Le travail commence dès la première année au collège. L’accent est mis sur un accompagnement rigoureux de l’élève à travers un programme éducatif pensé ; il mise aussi bien sur l’académique que l’extracurriculaire», dit-il. En Form V et en Upper VI, on dissuade l’élève d’aller «voir ailleurs» – comprenez «d’aller assister aux cours particuliers» – en valorisant au mieux le travail fait en classe. «L’école privilégie les chapitres clés, l’approche coordonnée des Past papers et les commentaires aiguisés sur les corrections en se basant sur les recommandations annuelles de l’université de Cambridge.»

Même son de cloche du côté du collège Saint Joseph. Les «School Leavers» répondent bel et bien présents au collège tous les jours, indique un enseignant.

Idem au collège du Bon et Perpétuel Secours. Les filles ont bien été informées de toutes les modalités entourant l’aide d’État aux examens finaux et les révisions se déroulent sans encombre, à l’école, tous les jours, dit-on au sein de l’établissement.

Serait-ce là le remède miracle face à une école souffrante ? Organiser des révisions planifiées en classe pendant le troisième trimestre pour contrer une courbe d’absentéisme grimpante ? En tout cas, les collèges qui ont jusqu’à maintenant appliqué cette pratique comptabiliseraient moins d’absents parmi leurs rangs au SC et au HSC.

SAJ : «Na péna pou rékilé, ariv séki ariv !»

L’État ne fera pas marche arrière. C’est ce qu’a affirmé sir Anerood Jugnauth (SAJ) en commentant le paiement des frais d’examens du School Certificate et du Higher School Certificate pour ceux qui n’affichent pas un taux de présence requis au collège. «Gouvernma pa pou rékilé lor sa désizion kinn pran-la. Mo na pa aksepté sa exkiz ki pé met dé lavan, ki pa ti koné. Démagozi bizin areté», a martelé SAJ. Ce dernier a également laissé entendre que le gouvernement peut se permettre d’imposer ses conditions vu que c’est lui qui effectue le paiement des examens. «Na péna pou rékilé ariv séki ariv !» a-t-il clamé.

Pour SAJ, les parents et élèves ne peuvent venir dire qu’ils n’étaient pas au courant des conditions liées au taux d’absentéisme. «Des communiqués ont été envoyés dans les collèges. Parents et élèves étaient au courant», a insisté le Premier ministre.

À une question de la presse sur le fait que le National Security Service (NSS) aurait interrogé des élèves ayant manifesté contre cette mesure, le chef du gouvernement a soutenu qu’il faut laisser le NSS faire son travail. «Mo pa kontrol tou zafer, mo bizin partou, mo bizin lor roaming toultan», a-t-il aussi lancé en boutade.

SAJ a également soutenu qu’il a demandé à la ministre de l’Éducation de rencontrer les élèves afin de leur donner plus d’explications. Au ministère, l’on explique ne pas savoir quand exactement cette réunion aura lieu.

 

Text by lexpress.mu

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